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musulmans, c’est une ancienne coutume des Arabes idolâtres. Comme il n’est pas probable qu’un peuple s’impose à lui-même, surtout par la tradition, des usages contraires à son climat et inutilement préjudiciables à sa santé, nous croirons volontiers que les Arabes ne courent pas de grands dangers en accomplissant le pèlerinage couverts seulement de deux étoffes blanches de laine ou de coton, sans turbans ni burnous ; mais, lorsque Mahomet maintint cet usage, prévoyait-il qu’il arriverait à La Mecque des pèlerins habitués, même sous des latitudes assez chaudes, à vivre continuellement dans les fourrures ? Il est certain que pour un habitant de Bokkara ou d’Erzeroum, pour un Albanais même, se dépouiller de vêtemens chauds doit être fort pénible quand le pèlerinage a lieu en hiver, plus dangereux encore pendant l’été.

Les pèlerins sont revêtus de l’ihram ; ils approchent de la ville sainte. « Déjà, dit Burton, des cadavres d’ânes, de chevaux et de chameaux bordaient la route que nous avions à suivre. Ceux que l’on avait laissés mourir étaient la proie des vautours et des autres oiseaux carnassiers, tandis que ceux que l’on avait égorgés étaient entourés de bandes de pèlerins mendians qui, toujours affamés, découpaient dans la chair des animaux abattus de longues tranches qu’ils suspendaient sur leur épaule en attendant que la halte du soir leur permît de la faire cuire. » A La Mecque, les hadji vont-ils trouver la salubrité ? Hélas ! non. Quand il s’agit des populations orientales, il faut d’abord parler de l’eau. L’eau des puits est si saumâtre que les Mekkaouis ne s’en servent pour les usages culinaires qu’après l’avoir fait bouillir ; pendant le pèlerinage, les pauvres sont obligés de la boire sans précaution. L’eau du puits Zem-zem est intarissable, mais pesante, et rend la digestion difficile. D’ailleurs il faut payer assez cher pour s’en procurer. Il existe bien un aqueduc construit par Zobeïde, femme du calife Haraoun-al-Raschid ; mais à l’époque du voyage de Burckhardt il n’avait pas été nettoyé depuis cinquante ans, et ne fournissait qu’une quantité insuffisante d’une eau d’ailleurs assez bonne. Aussi les pauvres pèlerins demandaient-ils dans les rues un verre d’eau au nom d’Allah et entouraient-ils les boutiques où se débitait le précieux liquide avec toute l’avidité du besoin, de ce besoin qui est une torture dont on ne saurait se faire une idée sous le climat tempéré de la France. En outre, à La Mecque, la nourriture est rare et de mauvaise qualité, les logemens souvent insalubres. Les immondices, les ordures, ne sont pas enlevées, et restent dans les rues pour se convertir, suivant le temps, en poussière ou en boue.

L’excursion à l’Arafat est une nouvelle cause de pestilence. On se rappelle que dans la vallée de Muna chaque pèlerin est tenu