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discipliné, sa liberté et sa constitution, ne demandant que six mois pour faire élire et convoquer des cortès,… uniquement préoccupé d’accomplir une œuvre salutaire qui lui mérite l’approbation de la reine et la reconnaissance de l’Espagne. » M. Bresson, avec toute sa clairvoyance, s’y trompait un moment ; quelques jours plus tard, il retrouvait son homme : « quand ses passions sont excitées, il ne se connaît plus et ne se gouverne plus. »

Qu’on remarque seulement cette pensée invariable, — six mois de dictature pour « organiser et discipliner l’Espagne » avant de lui permettre l’air de la liberté et de la constitution : c’est la pensée en face de laquelle le général Narvaez se retrouvait en 1866, mais après avoir vécu vingt ans de plus, c’est-à-dire, après bien des événemens faits pour user les forces d’un homme, et s’il prêtait encore son nom à cette politique dans un nouvel essai, s’il la couvrait de son ascendant reconnu comme chef de parti, ce n’était plus lui en réalité, je le disais, qui la représentait le plus nettement. Ceux qui la personnifiaient dans la situation nouvelle, c’était le ministre de l’intérieur, M. Gonzalez Bravo, esprit audacieux et violent, ambitieux de pouvoir, prêt à tout entreprendre par tempérament bien plus que par dévouement à une idée, et c’était encore plus peut-être, à côté du ministère, celui qui devenait capitaine-général, de Madrid, le général Pezuela, comte de Cheste, — homme de caractère honorable, de volonté forte, mais connu pour ses convictions absolutistes qu’il ne cachait nullement, et qu’il ne désertait certainement pas en acceptant le poste qu’on lui confiait. Plus que tout autre peut-être, et justement par la netteté de ses idées autant que par l’indépendance de son caractère, le général Pezuela marquait de son effigie la situation nouvelle. Le comte de Cheste, c’était la dictature à Madrid en attendant d’être la dictature en Catalogne comme aujourd’hui ; le ministère du 10 juillet, c’était la dictature dans toute l’Espagne, et c’est là en effet le caractère de tout ce qui se passe et se déroule au-delà des Pyrénées depuis un an.

Une pensée évidente éclatait dès le premier jour : c’était la pensée fixe, sous prétexte de combattre la révolution, de refaire dictatorialement en quelque sorte une Espagne nouvelle, pacifiée, disciplinée, subordonnée, organisée, de façon à ne plus gêner un pouvoir, appuya tout à la fois sur le clergé et sur l’armée. M. Gonzalez, Bravo, lui aussi, est un terrible restaurateur du principe d’autorité ! De là cette double série d’actes par lesquels s’est attestée depuis un an la politique du gouvernement de Madrid, — les uns dirigés contre les hommes, exilant, déportant ou internant à la faveur de la loi qui suspend les garanties de la liberté individuelle,