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rois de Prusse desséchaient des marais, fondaient des colonies agricoles, ouvraient des routes, creusaient des canaux, créaient des haras et des bergeries pour améliorer les races de chevaux et de moutons. L’élan ainsi donné ne s’est ralenti que pendant les guerres de l’empire. Aussitôt après 1815, le progrès a repris, et il a été surtout remarquable dans ces dix dernières années[1]. C’est ce progrès, ce sont les moyens par lesquels il a été obtenu que nous allons faire connaître. Cette étude nous révélera en partie le secret de la position que la Prusse a pu prendre en Allemagne. Si sa population a doublé depuis un demi-siècle, c’est que la production agricole a doublé aussi. Une paix non interrompue de cinquante années lui a permis d’atteindre, ce résultat. Pendant tout ce temps, elle a eu la sagesse de se désintéresser des questions extérieures, de ne point aspirer à des agrandissemens nouveaux et d’appliquer ses forces au développement de ses ressources intérieures. De nos jours, la base réelle de la puissance des états est la prospérité économique. Que l’Autriche eût employé les centaines de millions inutilement dépensés en Italie à mettre en valeur les merveilleuses richesses de son territoire, et elle aurait fait une tout autre figure au jour suprême de Sadowa. Espérons que de malheureuses rivalités nationales n’entraîneront plus les peuples civilisés à des luttes fratricides ; en tout cas, il est bon de savoir comment un pays parvient à tirer parti de ses ressources naturelles de façon à pouvoir défendre efficacement son indépendance et ses frontières.


I

Il n’y a point en agriculture de question plus importante que celle des assolemens. Le chiffre de la population que la terre peut nourrir dépend de la succession des récoltes qu’on lui fait porter. L’homme pour vivre a besoin de pain et de viande. Dans un pays peu peuplé, la végétation spontanée des vallées et des forêts suffit à entretenir le bétail, et on obtient les céréales sur de vastes étendues dont la plus grande partie se repose ; mais, quand la population s’accroît, il faut avoir recours à un mode de culture de plus en plus perfectionné. En Allemagne, dès l’époque de Charlemagne, on trouve l’assolement triennal, qui correspond à un état social assez avancé déjà, et qui a régné jusqu’à la fin du siècle dernier. Au XVIIe siècle, le trèfle, venu des Flandres, au XVIIIe, la pomme de terre, firent leur apparition dans l’année de jachère. Ce qui montre toutefois combien cette innovation s’était peu répandue, c’est que

  1. Voyez, dans la Revue du 15 juin, le Sol de la Prusse et la Constitution de la propriété.