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le découvrir, et le public ignora les préliminaires de cette échauffourée.

Entre la grève des cochers et celle des tailleurs, d’autres se produisirent successivement, celle des ouvriers chapeliers d’abord, qui eut pour résultat une très large importation de produits anglais et le renchérissement des chapeaux de toute sorte, le consommateur étant destiné en fin de compte à acquitter les lettres de change que les ouvriers, au moyen des grèves, tirent sur les patrons. L’approche de l’exposition universelle détermina aussi plusieurs grèves, quoique les ouvriers prétendissent ne vouloir entraver en rien ce grand congrès pacifique. Menuisiers, charpentiers, plombiers, peintres, réclamèrent des augmentations de salaires justifiables en raison des circonstances, mais qui pouvaient être considérées comme temporaires plutôt que comme règlement définitif. C’est là en effet le principal vice de ces luttes, qui tendent à donner l’apparence de questions de principes et de droits immuables à ce qui dans une certaine proportion ne peut jamais être et n’est jamais qu’un fait variable et passager. De toutes les grèves écloses en 1867, la plus importante, non pas tant par le nombre des ouvriers qui y prirent part que par la suite des délibérations, le calme des discussions et l’attention que le public y donna, fut celle des ouvriers du bronze. A propos d’augmentation de salaires et de diminution d’heures de travail, réclamées par les ouvriers, repoussées dans une certaine mesure par les patrons, on agita de part et d’autre des questions économiques d’un grand intérêt. Des deux côtés se produisirent les mêmes efforts pour se concerter, s’entendre, efforts très légitimes, sans doute au point de vue de l’égalité dans la défense, selon nous répréhensibles en ce que cette entente collective nuit à la liberté individuelle. La société des fabricans de bronze, composée d’abord de 61 et bientôt de 80 patrons, se réunit pour proclamer le droit absolu de chacun d’eux à résoudre isolément et sans intermédiaire tous les différends qui s’élèveraient entre eux et leurs ouvriers : faute par ceux-ci de le reconnaître, elle annonça l’intention de fermer le même jour les établissemens de ceux qui s’associeraient à leur détermination (à ce moment, le nombre s’en était élevé à 120), et de n’y jamais admettre aucun ouvrier faisant partie de la société ouvrière. Cette société, constituée sous le titre de prêt mutuel, dirigée par un comité exécutif, avait en effet résolu, après. des réunions qui comptaient plus de 5,000 assistans, de créer un fonds de cotisation de 5 francs par semaine pour soutenir la grève nécessitée par la coalition des patrons, lesquels de leur côté avaient formé un fonds de garantie mutuelle de 50,000 francs. La société ouvrière, repoussant la doctrine économique que l’offre et la