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donc bien peu d’années pour la modifier entièrement. Si l’on veut apprécier l’ordre et l’économie qui règnent dans l’administration des haras en Prusse, il est bon de noter que la dépense n’a dépassé les recettes que d’environ un demi-million de francs. Il se forme en outre des associations libres pour se procurer de bons reproducteurs ; récemment il s’en est constitué quatre en une seule année le long du Rhin, à Duisburg, Wesel, Moers et Rees. Elles achètent des danois, des percherons et des trackènes de la plus forte espèce.

Pour l’amélioration de la race bovine, l’état s’en est fié à l’initiative individuelle, et celle-ci n’est pas restée inerte. Des animaux de choix ont été importés d’Angleterre et de Hollande, et les races indigènes ont été à peu près partout améliorées. Cependant c’est pour les moutons que le progrès a été le plus marqué. Frédéric II fit à plusieurs reprises des tentatives pour introduire le mérinos ; mais elles n’aboutirent point. Ce n’est que depuis 1815 que des résultats sérieux ont été obtenus. L’état fit acheter 2,000 moutons mérinos en France et les plaça dans les bergeries royales de Frankenfeld, près de Berlin, et de Panthenau, près de Liegnitz, en Silésie. Des ventes annuelles répandirent rapidement dans le pays la race Rambouillet, ainsi nommée de la célèbre bergerie d’où elle provenait. En 1822, des associations se formèrent pour faire venir des troupeaux d’Espagne. Les grands seigneurs, les riches propriétaires, suivirent leur exemple ; ce fut une mode qui heureusement ne pouvait que faire beaucoup de bien. L’introduction du mouton français eut pour effet de tripler la valeur du produit de la tonte, qui doit approcher maintenant de 150 millions de francs. La laine est plus abondante et vaut deux fois plus. Une autre race très recherchée dans toute l’Allemagne du nord, c’est le négretti, dont la forme est admirable et la laine de première qualité. Elle date du siècle dernier. En 1755, l’impératrice Marie-Thérèse acheta un troupeau de mérinos en Espagne et le donna au baron Geisler, qui le plaça dans sa fameuse bergerie de Hoschstitz, ett Moravie. La race s’acclimata, se multiplia et se répandit au dehors. Le baron de Maltzah[1] en possède un troupeau superbe dans son domaine de Lenshow, en Mécldembourg. Les plus beaux sujets se vendent 10,000 ou 12,000 francs pièce, et s’exportent en Russie, en Amérique, en Australie. Les béliers dépouillent de 12 à 22 livres de laine non lavée, et les brebis de 8 à 17. Maintenant que le prix de la viande

  1. A l’exposition universelle de cette année, on peut voir dans le secteur allemand un compartiment exclusivement consacré aux laines en suint. Plusieurs grands propriétaires de la Prusse et de la Silésie y ont exposé des toisons et les portraits photographiés de leurs moutons. Ce salon, consacré à la gloire de la race ovine, est gardé par deux béliers, admirables négretti, reproduits en plâtre. L’arrangement est aussi coquet qu’instructif.