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avait pris soin de cacher là comme dans le plus impénétrable asile. En y regardant de plus près, ses soupçons furent confirmés. On avait tout simplement brisé la serrure, dont la clef unique ne quittait jamais le docteur, et les deux battans de la porte, rapprochés de force, s’étaient rejoints l’un à l’autre par les irrégulières saillies d’une fiche de fer rompue qui les maintenait tant bien que mal, mais qui devait céder au premier effort.

Un peu troublé de cet incident, Wilmot mit un soin minutieux à vérifier les soustractions qu’on avait pu pratiquer dans ce dépôt de choses relativement précieuses. Rien ne manquait, rien ne semblait avoir été dérangé. Sa surprise n’en fut que plus vive. Une rapide série de réflexions lui suggéra l’idée qu’une seule personne avait pu se risquer par simple curiosité à une démarche aussi périlleuse, et que cette personne était Mabel, car elle seule savait que Wilmot entassait au fond de cette armoire ce qu’il avait le plus d’intérêt à tenir loin des regards indiscrets. Quant au motif déterminant de cette bizarre démarche, il crut l’avoir trouvé en se rappelant les dernières paroles de mistress Prendergast. Tourmentée par ses craintes jalouses, Mabel avait sans doute cherché dans le mystérieux dépôt ce qui pouvait ou les confirmer ou les détruire. Cette pensée, qui l’eût exaspéré quinze jours plus tôt, le remplissait maintenant d’une immense pitié. — Pauvre femme ! se disait-il, pour en venir là, que d’angoisses elle a dû ressentir et combattre ! Cependant il venait de prendre le papier qui lui était nécessaire, et se préparait à replacer les deux battans de la porte dans une juxtaposition provisoire, en attendant qu’il fût à même de faire remplacer la serrure brisée, quand son attention fut appelée sur une tache noirâtre qui marquait le feuillet supérieur d’une espèce de dossier posé à côté de la petite boîte d’acajou renfermant les poisons que nous avons déjà mentionnés. Il saisit aussitôt le dossier et l’examina feuille à feuille. La tache avait pénétré successivement un certain nombre d’entre elles. Cette constatation jeta Wilmot dans une véritable alarme. Il prit la boîte, et en scruta d’abord l’extérieur, où il retrouva sur l’une des parois la trace d’une substance visqueuse qui, glissant peu à peu, était venue se déposer sur les papiers voisins. Il est vrai de dire à la lettre que Wilmot, fort peu timide en général, n’osait plus ouvrir cette boîte autour de laquelle se crispèrent ses doigts agités par un tremblement nerveux. Il s’y décida pourtant après une longue hésitation. Cette pharmacie portative était divisée en dix compartimens dont chacun logeait un flacon en verre épais de fort petite dimension, soigneusement bouché à l’émeri ; les bouchons de cristal étaient en outre surmontés d’une capsule en plomb, bien scellée et portant le nom d’un célèbre