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au contraire parfaitement calme ; mais ses joues, naguère plaquées de pourpre, avaient pris une pâleur cadavérique. Il la regardait d’un œil fixe, comme une vision sortie du néant et que le néant va reprendre. La toux revint, plus aiguë et plus déchirante ; puis Madeleine tomba dans une de ces courtes somnolences qui dénonçaient à son fidèle gardien les progrès du fatal épuisement. Quand elle se réveilla au bout de quelques minutes, les plaques rouges avaient reparu.

— On m’a dit, recommença-t-elle, on m’a dit que vous étiez riche. Vous ne ferez plus de médecine ?

— Certes non, répondit-il à voix basse et avec une amertume mal contenue… Que m’ont servi ces vaines études ?… J’y renonce à jamais.

— Pourquoi dites-vous cela ?

— Vous me le demandez, vous, Madeleine ? s’écria-t-il en se laissant glisser à genoux près d’elle. Ma prétendue science a-t-elle pu vous sauver ? et je ne lui demandais que cela !…

Oubliant alors que toute agitation pouvait être fatale et se laissant enfin dominer par les angoisses de cette suprême agonie, le malheureux cacha sa tête dans la couverture jetée sur les pieds de la jeune malade. Madeleine, qui l’entendait sangloter, se souleva péniblement, et, prenant dans ses mains affaiblies cette tête inerte, parvint enfin à la dégager. — Vous m’aimiez donc ? lui dit-elle ensuite, le regardant avec une surprise sincère qui faisait rayonner ses grands yeux bleus… Était-ce pour m’avoir sauvée ?… Ils mentaient alors en disant que vous preniez intérêt au mal, point au malade ?… Je l’ai cru longtemps !… mais depuis que je vous ai revu, je ne pouvais plus le croire… Voyons, reprenez courage, un homme ne pleure pas ainsi…

Elle l’avait forcé à se rasseoir, elle lui avait de nouveau abandonné sa main, et maintenant elle lui souriait avec tendresse. — Convenez, reprit-elle, que cela vaut mieux ainsi… Notre rêve réalisé, nos souhaits exaucés, il n’en aurait pas moins fallu mourir,… et mourir alors n’eût pas été si facile…

Une nouvelle crise survint. Wilmot dut sonner la garde-malade en même temps que cette femme, Kilsyth et lady Muriel entrèrent dans la chambre d’agonie.

Quelques heures plus tard, la malade, toujours étendue sur le même siège, se retrouvait en possession d’un calme, d’un bien-être qui l’étonnaient elle-même… Une sorte de sérénité joyeuse lui était revenue. Son père et Ronald lui donnaient tant bien que mal la réplique. Lady Muriel, assise à quelque distance du sofa, semblait triste et décontenancée. Lorsqu’il fut question de remettre Madeleine dans son lit, Ronald et Wilmot prirent congé d’elle, le