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des moyens, dit-il au reichsrath. Il s’agit de franchir des montagnes avec une voiture incommode et lourdement chargée. Un seul sentier est praticable ; il faut nous y engager avec le char de l’état et le pousser hors des ornières que nous pourrons y trouver. Demandons le concours de tous ceux qui sont intéressés à le faire avancer. Lorsque le plus grand nombre aura poussé à la roue d’une façon intelligente, on marchera et on arrivera. »

Le programme du chancelier de l’empire d’Autriche peut se formuler ainsi : respecter la constitution élaborée par M. de Schmerling, mais seulement dans les pays qui avant 1860 n’avaient pas eu de droit public propre, rétablir au-delà de la Leitha la constitution hongroise et amener entre ces deux grands groupes, désormais distincts, une conciliation sur tous les objets d’intérêt commun. M. de Beust le déclara hautement la première fois qu’il prit la parole dans le reichsrath. « Je n’ai pas tardé à reconnaître, dit-il, que l’empire d’Autriche ne pouvait reprendre sa place dans le monde que si l’on obtenait le bon accord entre les pays qui le composent. Il nous faut la Hongrie satisfaite et le reste de l’empire satisfait par le rétablissement d’un régime constitutionnel et libéral assis sur des bases solides. » Et ailleurs, s’emparant de la trop célèbre formule qu’employait M. de Schmerling pour répondre aux revendications constitutionnelles de la Hongrie, « n’allons plus dire que nous pouvons attendre, s’écrie-t-il : la vie des nations de l’Europe, leurs transformations, ne s’arrêtent jamais. A nous de veiller à ce que cette grande question des nationalités qui met l’Europe en émoi se résolve sans entraîner pour nous de nouveaux périls. Que tous ceux qui veulent la force de l’Autriche s’unissent pour vouloir la conciliation, et l’Europe saura gré à l’Autriche d’avoir détourné les périls que contient le mot de nationalité. »

M. de Beust n’était pas homme à s’attarder à la recherche d’une constitution de pure théorie. Il disait familièrement que c’eût été agir en homme qui construirait un vaste et bel édifice sans vouloir se préoccuper des besoins de ceux qu’il aurait à y loger. Ici le premier besoin était un rapprochement avec la Hongrie, dont l’attitude presque hostile avait paralysé tous les efforts des prédécesseurs de M. de Beust. Il fallait que l’empereur François-Joseph fût franchement et irrévocablement reconnu par tous comme légitime souverain de ses 10 millions de sujets hongrois, La conquête de 1849 était un titre sans valeur. Nation indépendante et fière, la Hongrie était en 1866 ce qu’elle avait été en 1723, lorsque sa diète élaborait la pragmatique sanction. Elle consentait à s’allier aux destinées de la monarchie autrichienne, mais à la condition de conserver ses institutions libérales, les plus vieilles institutions libérales du