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terminer en 1602. A peine fut-il achevé que les bouquinistes s’en emparèrent pour y mettre leurs échoppes et leurs étalages ; il ne fallut rien moins qu’un arrêt du parlement pour les en déloger en 1649 ; ils se sont réfugiés sur les quais, et depuis lors ils les occupent en maîtres.

Dans ce temps-là, on n’avait guère de respect pour les besoins de la navigation, qui cependant était plus considérable qu’aujourd’hui, car le pont était à peine achevé qu’on élevait sur la seconde arche une pompe qu’on appela la Samaritaine, et qui avait son gouverneur comme un château royal ; elle était fort aimée des badauds parisiens qui en venaient écouter le carillon ; après avoir été reconstruite en 1772, elle fut abattue en 1813. Ce n’était pas le seul édifice inutile qui embarrassait le Pont-Neuf ; on se souvient encore des vingt boutiques dessinées par Soufflot qui s’arrondissaient sur le parapet et semblaient prolonger les piles : on y vendait des habits, des chapeaux, des briquets-Fumade ; tout cela a disparu enfin, et au lieu de ces vilaines logettes on a placé des bancs semi-circulaires qui ne gênent pas la vue, n’entravent pas la circulation et servent aux passans fatigués.

On peut comprendre l’accroissement extraordinaire que subit Paris pendant le XVIIe siècle en voyant la quantité de ponts qu’on y élève pour mettre les différens quartiers en communication les uns avec les autres, augmenter la facilité de la circulation d’une rive à l’autre, de la Seine et supprimer avantageusement les bacs, les batelets, dont les derniers ne disparurent cependant que vers 1820. En 1635, le Pont-Marie est terminé ; le pont de la Tournelle, d’abord bâti en bois en 1620, est refait en pierre en 1656 ; en 1634, on établit le Pont-au-Double, ainsi nommé parce qu’il fallait payer un double denier pour avoir le droit de le traverser. Jusqu’au milieu du XVIIe siècle, on ne communique des Tuileries à la rive gauche que par un bac dont le souvenir est conservé aujourd’hui encore par la rue qui porte ce nom. Vers 1632, le sieur Barbier, contrôleur-général des forêts de l’Ile-de-France, fit bâtir un pont de bois qui s’appela le Pont-Barbier, le pont Saint-Anne, en l’honneur de la reine, et bien plus communément le Pont-Rouge ; d’après le plan de Gomboust, il aboutissait précisément en face la rue de Beaune et était aussi, comme le Pont-Neuf et le pont Notre-Dame, embarrassé d’une pompe hydraulique. Tant bien que mal il dura une cinquantaine d’années, fort endommagé souvent par les débâcles et exigeant des réparations presque continuelles. Le 20 février 1684, une crue plus haute que de coutume se fit sentir en Seine, et le pont s’en alla avec elle. Louis XIV ordonna de le reconstruire en pierre ; l’arrêt du conseil est du 10 mars 1685 ; quatre ans après, le Pont-Royal était terminé sous la direction de Gabriel, et le procès-verbal