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profil, sur chaque surface, autant de moulures, de rondes-bosses, de groupes d’ornemens ou de figures que l’espace en pourra contenir ? Certes, parmi les monumens récemment achevés à Paris, on pourrait citer plus d’une exception à ce système de luxe à outrance. L’École des Beaux-Arts, complétée par l’artiste éminent qui en construisait les bâtimens principaux il y a trente ans, — la nouvelle façade et le vestibule du Palais-de-Justice, si amplement conçus dans l’ensemble et en même temps si finement traités dans les détails, — le grand passage voûté aboutissant à la place Napoléon III dans le nouveau Louvre et la grande salle de lecture à la Bibliothèque impériale, — le dôme de Saint-Augustin et l’intérieur de l’église de la Trinité, — quelques autres spécimens encore d’un goût sans complicité avec les excès ou les caprices, — voilà des titres sérieux pour une partie de notre école. Ajoutons, dans un ordre de travaux où le beau doit plus nécessairement qu’ailleurs n’être que l’auxiliaire de l’utile, les Halles centrales, véritable chef-d’œuvre de simplicité et de convenance. Malheureusement, en regard de ces œuvres diversement considérables, combien d’autres où nos neveux ne verront, cela est à craindre, que les témoignages de l’ambition impuissante ou les preuves de l’irréflexion !

Pour caractériser la singulière confusion d’idées et de doctrines que révèle l’architecture contemporaine, M. le duc de Valray, dans quelques pages consacrées à ce qu’il appelle « l’ère du doute, » qualifie l’école actuelle « d’école composite. » Peut-être aurait-on le droit de lui donner un nom plus sévère. Est-ce bien en effet le doute qui la travaille, je veux dire une sincère recherche du mieux ? Est-ce seulement par excès d’éclectisme qu’elle pèche ? En inventant l’ordre composite, qui, suivant l’observation de Quatremêre, « se plaçait, par le mélange de deux ordres, entre le corinthien et l’ionique, » ou même en introduisant dans l’art quelques-unes de ces innovations plus radicales dont nous avons parlé, les architectes romains ne s’affranchissaient pas de certaines obligations que les architectes de la renaissance devaient en pareil cas respecter à leur tour. Ils ne prétendaient point remettre en question, encore moins nier ce qui avait été une fois reconnu bon et utile ; ils se proposaient simplement de combiner ces exemples officiels, de les approprier à leurs aspirations présentes et d’en tirer ainsi un nouveau parti sans pour cela en dénaturer le sens. Nos visées sont autres aujourd’hui, et nos fantaisies plus vastes. Il s’agit bien vraiment de modifier l’arrangement classique d’un chapiteau, les proportions d’une colonne ou d’un entablement ! Il s’agit, pour donner la vie à un édifice, à une simple maison même, de mettre bravement le cœur à droite, j’entends de renverser, si l’envie vous en prend, les condition naturelles aussi bien que les termes du problème, sauf à