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se résument, pour ainsi dire, dans deux entreprises : un chemin de fer des rives du lac Huron aux côtes de la Nouvelle-Ecosse, traversant la presqu’île canadienne et longeant le Saint-Laurent ; puis un canal maritime qui tournerait les lacs vers le nord au moyen de la rivière Ottawa et du lac Nipissing, et viendrait déboucher sur le lac Huron en diminuant de 150 lieues la distance de Chicago à la mer. Pendant que les esprits s’échauffent à la pensée de s’enlever réciproquement le transit, le commerce du Canada avec les États-Unis s’accroît chaque jour. Le voisinage, le développement de la population des deux côtés des lacs, le besoin naturel d’échange entre les pays de bois et les pays de prairies, vont bientôt le rendre égal ou supérieur au commerce de l’ancienne colonie avec l’ancienne métropole. Jusqu’ici, l’opposition des intérêts n’a pas moins que l’antagonisme moral fait obstacle aux pensées d’union. En qualité de pays agricole et de pays forestier, le Canada est pour le libre-échange. S’il a élevé ses tarifs de douane, c’est qu’il veut des travaux publics, et qu’il n’admet pas la pensée d’un impôt foncier. Au point de vue économique, ses tendances étaient pour les états du sud ; il ne saurait accepter des tarifs de douane excessifs dont les recettes passeraient dans le trésor fédéral au lieu de servir à l’achèvement des travaux publics canadiens. Dans l’état présent de ces travaux, l’Union avec les États-Unis ferait perdre au Canada ses plus chères espérances économiques. Cependant la force financière fait défaut. Ce sont des difficultés immenses à surmonter : un climat qui commande de doubler un fleuve par un chemin de fer et de créer des routes artificielles à côté des routes naturelles, une configuration de territoire qui, pour une population de 3 millions d’habitans, veut des chemins de fer et des canaux de 500 lieues de longueur. Les Canadiens sont trop braves pour se laisser vaincre par leur gouvernement ou par leur voisin, : que ce gouvernement soit l’Angleterre ou ce voisin les États-Unis ; mais leur patriotisme ne les rend pas insensibles à la séduction des travaux publics, et, pour affermir la fidélité du Canada, l’Angleterre ferait bien de subventionner plus de chemins de fer et d’envoyer moins de soldats.

Mais l’étendue cultivable au Canada n’est peut-être pas aussi considérable qu’on le croit généralement. Si du côté du sud la frontière américaine serre de près la vallée du Saint-Laurent, au nord s’élève la frontière de glaces du Labrador. Que l’émigration se maintienne, il se déclarera bientôt un mouvement semblable à celui qui, aux États-Unis, a porté les populations à se précipiter plus loin vers l’ouest-. L’ouest du Haut-Canada, c’est le territoire de la Compagnie de la baie d’Hudson, et déjà un cri colonial s’élève contre le régime anti-colonial de cette compagnie. Au sud de la Colombie anglaise, un large espace de montagnes difficiles à