Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 72.djvu/260

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fortifiait dans la résistance par les manifestations les plus menaçantes. La convocation des évêques fut comme un défi porté aux aspirations italiennes. Par un de ces fâcheux concours de circonstances qui se rencontrent toujours dans les situations maladives, le gouvernement et le parlement italiens avaient alors à prendre des résolutions décisives en matière de finances. C’était le moment où on était mis en demeure de liquider financièrement par quelque mesure hardie et vaste la fondation du nouveau royaume d’Italie. Une seule ressource existait, celle qui plus d’une fois est venue au secours des peuples en révolution, l’appropriation à l’état des biens du clergé et des corporations religieuses ; mais une pareille mesure n’a jamais pu s’accomplir en pays catholique sans faire éclater les foudres de Rome. L’antagonisme entre la papauté temporelle et l’Italie politique ne faisait que grandir et s’irriter. Il était impossible, il était improbable que la question romaine tardât à devenir le problème absorbant de la nation italienne. Là était une cause incessante de lutte, là le point de réunion de toutes les difficultés ; là par un impétueux courant d’illusions on marquait le rendez-vous de toutes les solutions. A voir les choses de haut, à calculer d’avance les événemens, les esprits politiques européens devaient estimer qu’une crise était inévitable. Le seul moyen qu’on eût même de la gouverner, de la modérer, de la ralentir, était de la mesurer d’avance, de s’en rendre maître en quelque sorte par une pensée vigilante et prévoyante.

Si du moins on eût eu la faculté de bien prévoir à Florence et à Paris, on eût sans doute réussi encore à gagner du temps, et on eût évité de tomber dans les malentendus qui compromettent les alliances et de s’emporter aux mesures violentes qui rendent les antagonismes implacables. Le public ignore encore les vicissitudes des négociations qui doivent avoir eu lieu entre les gouvernemens de France et d’Italie depuis au moins deux mois. Certes les préparatifs du parti d’action contre l’état romain étaient visibles depuis longtemps ; le défaut de Garibaldi n’est pas la dissimulation. Le gouvernement italien à moins d’une abdication honteuse, le gouvernement français à moins d’un oubli invraisemblable de sa dignité, ne pouvaient point abandonner à une insurrection sans mandat et sans responsabilité le sort de la convention du 15 septembre. Dès le principe, la répression de l’agression illégale ne pouvait faire de doute : c’était à l’Italie de l’exercer, et il ne fallait pas laisser un instant dans la tête d’un ministre de Florence que, si le gouvernement italien se refusait à son rôle, la France pourrait manquer au sien. Des explications nettes, catégoriques, énergiques et par cela même essentiellement amicales auraient dû, ce semble, régler ce point à la première menace des troubles. Il se peut que ces avertissemens aient été donnés avec vigueur et avec opportunité, et qu’ils aient été éludés ; mais alors quelle est la mesure de responsabilité qui a été assumée par M. Rattazzi, l’un des