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occupe. Durant la session de 1608, l’assemblée reçut la lettre suivante que je copie en entier d’après le registre des états : « Messieurs, je vous avais écrit pendant votre dernière assemblée que, si vous vouliez faire fonds d’une notable somme de deniers pour employer aux réparations des ponts, pavés, chaussées et mauvais passages de votre province, sa majesté en destinerait pareille somme pour parvenir plus promptement à la réfection desdits ouvrages, auxquels vous commettriez tels députés que vous aviseriez pour assister mes deux lieutenans en la voyrie sur la distribution desdits deniers, et feriez commencer les travaux ès endroits que vous jugeriez nécessaires. Sur quoi votre réponse n’a point satisfait à ce que sa majesté attendait de vous, car, ayant été d’avis d’en rejeter les frais sur les particuliers qui ont des fiefs ou des fonds joignant lesdits points et mauvais passages, vous avez ôté par ce moyen toute espérance d’y pourvoir, n’y ayant point de doute que les particuliers ne quittent plutôt leurs héritages que d’entrer en cette dépense, qui doit être supportée par le public, puisqu’il en reçoit la première commodité. C’est pourquoi je vous conseille d’apporter tout ce qui vous sera possible pour faire résoudre le pays à faire un fonds suffisant pour lesdites réparations, desquelles il ne doit pas appréhender la dépense, puisqu’il en recevra l’utilité. Assurez-vous que, de mon côté, je ferai en sorte que sa majesté y contribuera pour pareille somme, et tenez-moi toujours, messieurs, votre plus affectionné serviteur. Écrit à Fontainebleau le 8 de septembre de l’an 1608. Maximilien de Bethune. » Si avantageuse que fût une pareille proposition, les états, par un aveuglement inexplicable, refusèrent de l’accueillir en se fondant sur la misère de la province, quoique cette misère même fût un motif déterminant pour la faire accepter. Nous trouverons bientôt le cardinal de Richelieu en présence de difficultés semblables.

Sous Henri IV comme sous Louis XIII, les états n’eurent qu’une pensée, donner le moins d’argent possible au roi en demeurant étrangers aux intrigues qui divisaient la cour. Ils avaient l’instinct confus des périls auxquels serait exposée la monarchie le jour où disparaîtrait le prince qui avait amorti les factions sans consolider le pouvoir royal. L’opinion inclinait donc en Bretagne avec une force irrésistible vers la politique d’abstention qui avait prévalu si heureusement pour la province durant la première période des guerres de religion. Une pareille disposition était naturelle dans une contrée dont la noblesse restait encore étrangère à la cour et même à l’armée. La justesse en fut révélée sitôt que le poignard de Ravaillac eut frappé le prince qui avait fait la royauté française si forte devant l’Europe, en la laissant si faible contre ses ennemis intérieurs. Condé, Soissons, Longueville, Vendôme, Bouillon, d’Épernon et leurs