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complices, ne rencontrant aucun pouvoir avec lequel ils eussent à compter, purent commencer à jouer, tantôt entre eux, tantôt contre une femme vulgaire entourée d’avides étrangers, une partie dans laquelle le pays ne s’intéressait à personne, ces joueurs éhontés étant de tout point dignes l’un de l’autre. Rarement d’aussi médiocres personnages suscitèrent d’aussi grands maux, et le honteux spectacle de cette première régence peut seul expliquer la faveur témoignée par la postérité à la seconde, aussi égoïste dans ses poursuites, aussi frivole dans ses projets, mais où du moins les vices étaient brillans et l’ambition excusée par la gloire.

La Bretagne parvint à demeurer étrangère à ces luttes durant lesquelles un roi, menacé par les défenseurs naturels de sa personne et de son trône, ne pouvait quitter sa capitale sans se faire accompagner par une armée. Les populations, les communautés et les états de la province refusèrent tout concours à une rébellion dont les fauteurs se croyaient fondés à compter sur eux. Au plus profond du sol armoricain était en effet implantée cette grande maison de Rohan dont les aspirations avaient dépassé depuis un siècle les horizons de sa vieille patrie, et qui durant la jeunesse de Louis XIII fut engagée presque tout entière dans les intrigues seigneuriales. Alors grandissait au château de Blain, sous l’aile de la célèbre Catherine de Parthenay, sa mère, l’enfant qui allait donner au parti calviniste un chef héroïque, et, comme pour ajouter la séduction à la puissance, on voyait briller dans les deux branches de cette famille des femmes charmantes dont, au dire d’un contemporain, l’esprit avait été trié entre les délices du ciel[1].

Au prestige de la maison de Rohan venait se joindre, pour compromettre la tranquillité de la Bretagne, l’autorité du gouverneur de la province. Le fils de Henri IV n’avait hérité ni du charme, ni de la valeur de son père ; c’était un esprit stérile et agité, incapable du repos plus encore que du succès, et très digne de trouver sa place dans le groupe d’eunuques politiques qui empêchaient le pouvoir de s’établir en se montrant eux-mêmes impuissans pour l’exercer ; mais le titre de gouverneur de Bretagne ne lui maintenait pas moins une autorité considérable, autorité rehaussée pour l’époux de Françoise de Lorraine par les immenses possessions de la maison de Penthièvre.

César de Vendôme espéra pouvoir faire de la Bretagne un quartier-général pour l’insurrection des princes. Dans cette pensée, il tenta plusieurs fois d’armer la ville de Nantes, ou plutôt de déterminer cette ville à s’armer elle-même en appliquant à cet usage les importantes ressources financières de la communauté ; mais ces

  1. D’Aubigné.