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structure veinée elle-même est une preuve de plus des effets réparateurs de la pression. On sait qu’une violente pression peut suppléer à la chaleur et ramener la glace à l’état liquide. Cet effet doit se produire plus ou moins au pied des cataractes ; il s’y forme des lames liquides d’où l’air s’échappe sous forme de bulles, et qui, de nouveau congelées, deviennent ces belles tranches de glace bleue, enchâssées dans la masse plus opaque. Cette glace bleue est plus dure, et c’est ainsi que de la lutte engagée entre les forces contraires qui disposent de sa fortune le glacier sort plus compacte et plus fortement constitué.

La théorie de Tyndall est une de ces belles généralisations qui ne sont possibles que lorsque les questions sont ramenées aux termes véritables. Au fond, elle est supérieure à toutes les autres, parce qu’elle est plus claire. Est-ce à dire qu’il n’y ait rien à chercher au-delà ? Je n’oserais l’affirmer. Lorsque Tyndall fabriquait ses sphères, ses lentilles, ses anneaux, il travaillait au moyen de deux instrumens, le moule et la presse hydraulique. Nous voyons bien où sont les moules dans les laboratoires de la nature, ce sont les pentes des Alpes, surtout les dépressions et les vallées ; mais où est la presse hydraulique ? La presse hydraulique, dit le plus autorisé des interprètes de Tyndall, M. Aug. de La Rive, est dans les masses de neige et de glace accumulées sur les sommets et qui exercent une pression sur la glace qui descend dans les vallées[1]. La réponse de M. de La Rive est bien celle de Tyndall. Elle est répétée couramment aujourd’hui par un grand nombre de naturalistes. À mes yeux, c’est là qu’est le point obscur de la théorie. On y retrouve la distinction tranchée établie par quelques auteurs entre la zone des neiges supérieures et celle des glaces dans les basses régions. Les glaces des vallées feraient l’office du bloc sur lequel expérimentait Tyndall, aux neiges des hauteurs appartiendrait le rôle de presse hydraulique. L’idée de cette répartition des rôles aurait trouvé moins de crédit, si l’on n’avait jusqu’à présent étudié de préférence les grands glaciers, qui s’y prêtent plus facilement ; mais il y a de petits glaciers qui, dans les années favorables, ne sont chargés d’aucun amas de neige, et qui n’en continuent pas moins à cheminer. Il y a des glaciers de plateaux qui se déroulent sur des esplanades dont la pente est parfois très douce, et qui ne sont dominés par aucune cime, sauf peut-être quelque pic abrupt qui retient peu de neige en hiver et n’en garde pas trace en été. Et les grands glaciers eux-mêmes n’offrent-ils pas aussi les transitions les plus minutieusement ménagées entre les neiges des sommets et

  1. Actes de la Société helvétique des sciences naturelles. Genève, 1865. Discours d’ouverture, p. 17.