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gouvernemens civils des états du sud ; la seconde donnait aux officiers le droit de destituer, suspendre, remplacer tous les fonctionnaires municipaux où d’état, de modifier les lois et d’y substituer leurs propres décrets ; la troisième niait formellement que la prestation du serment légal dût être considérée comme une preuve suffisante de capacité électorale : ce n’était qu’une preuve provisoire qui n’empêchait pas de recueillir d’autres témoignages écrits ou verbaux ; les personnes chargées de la rédaction des listes étaient autorisées à prononcer en dernier ressort l’admission ou l’exclusion des électeurs, et même à rayer des électeurs déjà inscrits. La quatrième clause interdisait aux cours fédérales, comme à celles des états, de juger aucun acte civil ou criminel des gouverneurs militaires ; la cinquième défendait au président de les destituer sans l’avis du sénat ou sans la condamnation d’une cour martiale. Enfin, pour réparer les irrégularités qui auraient pu être commises, le bill prolongeait le temps de la confection des listes jusqu’au 1er octobre de cette année. A toutes ces clauses formidables, le sénat en ajouta deux dernières qui associaient le général Grant au pouvoir des commandans militaires, et niaient qu’il fut possible de recouvrer le droit électoral par le pardon du président.

Il était impossible de faire une réponse plus péremptoire aux théories captieuses du manifeste présidentiel. Si M. Johnson s’était proposé de pousser à bout les républicains pour les forcer à s’expliquer sans ambages, il y avait parfaitement réussi. Jamais mesure si despotique n’avait été votée par le congrès. Les états du sud y avaient perdu jusqu’à cet espoir d’indulgence que laisse encore le pouvoir arbitraire lorsqu’il n’est pas bien défini. Pouvoirs civils, droit de suffrage, recours aux tribunaux, recours à la grâce ou à l’amnistie du président, leurs dernières armes leur étaient enlevées sans retour. Ils pouvaient en remercier M. Johnson : c’était lui dont la protection malheureuse leur avait valu les bienfaits de cette loi nouvelle. Peut-être entrait-il dans ses desseins d’exaspérer le congrès et de le ruiner par sa violence même ; mais c’était là un jeu dangereux, car le congrès le tenait prisonnier, et l’impeachment, depuis si longtemps suspendu sur sa tête, pouvait bien se décider à y tomber un jour.

Les chambres se séparèrent peu après avoir voté cette mesure malgré la formalité ordinaire du veto. Quelques autres motions avaient été faites pendant la session, mais on ne s’y était pas arrêté. M. Sumner avait proposé qu’on signifiât au président l’injonction de ne gracier les propriétaires du sud que s’ils abandonnaient une portion de leurs terres aux affranchis. M. Munger, un démocrate, avait fait un long discours sur la conformation de la race noire et sur la constitution de son cerveau. L’impeachment lui-même avait été