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détriment de ces institutions bretonnes dont les magistrats étaient comme eux les intrépides défenseurs. Ils résumèrent dans une sorte d’acte d’accusation tous leurs griefs contre le parlement, et prirent une mesure plus directement hostile aux magistrats en réduisant d’une manière notable la somme affectée sur les petits devoirs à payer les gages du parlement. Poussant l’hostilité plus loin encore, l’assemblée attaqua l’hérédité des offices à sa source, suppliant le roi de ne plus accorder la paulette pour le parlement de Bretagne, « offrant lesdits états de faire fonds à sa majesté des 32,000 livres qu’il tire chaque année pour la paulette dudit parlement. » Enfin, stimulée par sa haine et se mettant en contradiction avec ses traditions les plus persévérantes, elle réclama l’évocation au parlement de Paris de toutes les causes où se trouvaient intéressés ses membres, leurs femmes, leurs enfans ou leurs domestiques.

Provoquer un pareil appel à la juridiction française, c’était insulter à l’honneur des magistrats de la Bretagne. Le roi ne prit pas heureusement au mot messieurs des états, et le sang-froid ne tarda point à réveiller chez eux le sentiment un moment oblitéré du patriotisme. Au début de la session suivante, les états nommèrent une commission de quinze membres chargée de rechercher les moyens de s’accommoder avec le parlement en maintenant contre les prétentions de celui-ci tous les droits de l’assemblée provinciale. Alarmée des conséquences d’une pareille lutte, Anne d’Autriche, en sa qualité de gouvernante de Bretagne, avait pris la résolution d’intervenir comme médiatrice entre ces deux grands corps. Le maréchal de La Meilleraye lut donc à l’assemblée une lettre de la reine, sortie de la plume habile de M. de Lyonne, et dans laquelle, en réduisant à leur juste mesure les griefs qu’on s’imputait réciproquement, la reine exprimait la volonté de s’entremettre pour accommoder le parlement avec les états. Le lendemain, deux conseillers vinrent témoigner au nom de la cour sa ferme volonté de reprendre avec messieurs des états les bonnes relations si malheureusement interrompues. Ils signèrent comme fondés de pouvoir de leurs collègues un accord qui consacra sur tous les points les droits de l’assemblée, avec laquelle ils déclarèrent vouloir demeurer unis à jamais. De leur côté, les états, pour premier gage de l’établissement de la bonne harmonie, votèrent immédiatement les fonds réclamés pour l’augmentation des gages accordés à messieurs du parlement.

Après avoir signé cette réconciliation si avantageuse au bien public, les états entendirent la lecture d’une autre lettre de leur auguste gouvernante. Anne y fulminait, au nom de Louis XIV et au sien, contre les duels, crime attentatoire, disait sa majesté, à toutes les lois divines et humaines, et contre lequel elle en appelait à la