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voir, le pape partir du Vatican ; ils sentaient vaguement le Ranger, et rien ne le prouve mieux que les efforts tentés par les membres de la gauche pour détourner Garibaldi de son entreprise. Si à la rigueur M. Rattazzi ne croyait plus pouvoir s’en tenir à la convention du 15 septembre, s’il jugeait cette convention insuffisante ou inexécutable, il fallait le dire ; il fallait se tourner vers la France, dégager diplomatiquement l’Italie, et sans violence, sans coups de tête, sans rien brusquer, poser de nouveau devant l’opinion cette insoluble question romaine en fixant la limite de ce qu’on voulait et de ce qu’on pouvait. Le pire de tous les systèmes était de ruser, de jouer avec le feu, de nier cette agitation qu’on laissait grandir, et de croire immobiliser d’un côté la France par des déclarations multipliées, de l’autre Garibaldi par l’influence de ses amis, en se réservant à soi-même au surplus je ne sais quelle résolution mystérieuse en face de l’inconnu.

Jusqu’à un certain moment cependant, jusque vers le mois d’août, rien ne semblait compromis, et par une circonstance singulière le cabinet de Florence venait même d’obtenir une certaine satisfaction sur un point où la France avait été la première à donner des armes contre elle en traitant légèrement la convention du 15 septembre. Lorsque la France s’était engagée à quitter Rome et l’avait quittée en effet, ce n’était pas pour y rester par un subterfuge. C’est pourtant ce qu’elle avait paru faire en mettant à la disposition du saint-siège cette légion qui s’est appelée la légion d’Antibes ; c’était à nous de discuter le degré de légalité d’un acte qui mettait au service d’un souverain étranger, ce souverain fût-il le pape, des soldats français, maintenus dans les cadres de l’armée française, et, avec la vigoureuse netteté d’un esprit aussi libéral que patriotique, M. Eugène Forcade n’y a pas manqué dès la première heure. Diplomatiquement, cette combinaison avait l’inconvénient de paraître continuer l’intervention sous une forme indirecte et atténuée. Ce caractère se révélait complètement cet été dans une mission confiée à un général français à Rome, et plus encore dans une lettre adressée par le maréchal Niel au chef de la légion d’Antibes. L’Italie avait demandé aussitôt des explications, et la France s’était arrêtée, prenant l’engagement, si je ne me trompe, de ne plus laisser subsister aucun lien entre la légion romaine et l’armée française. C’était assurément une concession prudente dans un moment où la France insistait et se disposait à insister plus vivement encore pour que le gouvernement italien fît respecter la convention du 15 septembre. Jusqu’à quel point était-elle sérieuse et efficace ? On ne sait plus que penser en voyant la mission du général Dumont atténuée, à peu près contestée, il y a