Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/1040

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

capital variable, qu’elle soit en nom collectif, anonyme ou en commandite, — car elle peut revêtir toutes les formes, — est toujours représentée en justice par ses administrateurs, ce qui dispense de mettre personnellement les associés en cause. Elle n’est pas dissoute, même quand elle est en nom collectif, par la mort, la retraite ou la faillite de l’un des associés, et continue de plein droit avec ceux qui restent. Il est évident par ces traits, — la discussion de la loi ne laisse d’ailleurs aucun doute à ce sujet, — que ces dispositions ont été faites en vue de faciliter la formation des sociétés coopératives. Comment se fait-il donc que le mot de coopération n’ait pas été prononcé ? Pourquoi a-t-on évité de dire le nom lorsqu’on réglementait la chose ?

Les rédacteurs ont voulu tenir compte de la susceptibilité qu’avaient montrée les partisans de la coopération toutes les fois qu’il avait été question de faire une loi spéciale sur les sociétés coopératives. Il leur semblait qu’une loi spéciale les mettrait hors du droit commun. Aussi réclamaient-ils une loi générale qui pût convenir à toutes les associations, aux coopératives comme à toutes les autres. C’est à ce vœu que répond la société à capital variable. Seulement le but a été dépassé d’un côté, tandis que de l’autre il n’était même pas atteint. Le but a été dépassé, parce que toutes les affaires jusqu’à 200,000 francs sont, n’eussent-elles aucun caractère coopératif, dispensées des formalités qu’on exige au-dessus de 200,000 francs. Il n’est pas atteint, parce que des sociétés coopératives peuvent avoir besoin d’un capital supérieur à ce maximum, même en commençant (témoin les tisseurs de Lyon), et que d’ailleurs le chiffre de 50 francs assigné pour minimum à la valeur de la coupure peut être une cause de gêne pour la formation de la plupart des affaires coopératives. En effet, s’il est vrai que, d’après la loi, le versement du dixième ou de 5 francs suffit pour constituer la société, n’oublions pas que, dans les petites associations, les associés procèdent ordinairement par cotisations hebdomadaires ou mensuelles de 50 cent, ou de 1 fr. On a confondu évidemment les lois spéciales avec les lois d’exception, et cette confusion, soutenue avec une animation excessive, a influé sur la rédaction des articles qui nous occupent. Une loi spéciale fait partie du droit commun lorsqu’elle n’exclut personne du bénéfice de ses dispositions. Alors même que tout le monde n’en profite pas de fait, elle n’est pas une loi d’exception, si légalement chacun peut l’appliquer. Ce qui est le caractère des lois d’exception, c’est qu’elles sont faites pour les uns à l’exclusion des autres, et ne peuvent profiter qu’à certaines catégories auxquelles il faut prouver qu’on appartient. Si une loi spéciale était indispensable pour le développement des sociétés coopératives, il ne fallait pas hésiter à