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des forêts ou par ceux de l’administration des ponts et chaussées. Le défaut de notre législation est précisément d’autoriser l’intervention du gouvernement là où il n’a que faire, et d’étouffer ainsi l’initiative des individus. Tandis que le code civil suffirait à sauvegarder tous les droits, on s’empresse le plus souvent de le considérer comme non avenu et de faire des lois spéciales pour chaque cas particulier ; c’est ainsi que nous avons des codes pour la chasse, pour les forêts, pour la pêche, pour la presse, pour les chemins, pour le commerce, codes qui s’écartent tous plus ou moins du droit commun, sans qu’on puisse justifier ces exceptions par une raison plausible. Pour ce qui concerne la pêche, la loi manque de logique, et n’ose pas accepter les conséquences des principes qu’elle proclame. Elle reconnaît bien aux riverains la propriété des cours d’eau non navigables ; mais, par suite de cette fausse idée, que le poisson qui circule d’un point à un autre appartient également à tous, elle leur enlève le droit de le parquer, et leur retire d’une main ce qu’elle leur donne de l’autre. Cette tendance communiste, qui se remarque également dans la loi sur la chasse, a pour effet de désintéresser les propriétaires et de les rendre indifférens au repeuplement de leurs eaux. Si au contraire ils étaient libres d’établir au travers des rivières des grils destinés à retenir chez eux les poissons prisonniers, ils seraient encouragés à en accroître le nombre, et pourraient soit isolément, soit en s’associant, exercer une surveillance efficace et se livrer aux divers procédés de pisciculture qu’ils jugeraient les plus avantageux. Rien n’empêcherait d’ailleurs de fixer à l’avance les dimensions de ces grils de façon à permettre aux saumons de les franchir et à la montée d’anguilles de passer au travers des barreaux. Il en est de l’appropriation des eaux comme de celle des terres, et, si le premier qui a clos un terrain pour le labourer en avait été empêché sous prétexte que cette clôture gênerait le pâturage commun, il n’y aurait pas eu d’agriculture possible.

Quant aux cours d’eau flottables et navigables qui appartiennent à l’état, il ne faut pas perdre de vue qu’ils sont avant tout des voies de navigation, et que la pêche ne peut y être considérée que comme une chose accessoire. Quelque utile que puisse être au point de vue de la production du poisson l’abondance des herbes aquatiques ou l’existence de courans plus ou moins rapides, il n’en faudra pas moins faucher et canaliser les rivières, lorsque la navigabilité en dépendra. Ce principe admis d’une manière absolue, comment la pêche pourra-t-elle s’y exercer d’une façon profitable ? En intéressant les pêcheurs à la multiplication du poisson par des locations à long terme comprenant toute l’étendue d’un bassin. Les canton-