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huit heures de tous les prélats napolitains. Beaucoup d’entre eux étaient en fonction. On désorganise le gouvernement pontifical. Peut-on exercer une plus grande violence? La teneur de la présente lettre est secrète pour tous, sans en exclure même le cardinal pro-secrétaire d’état. »


Il n’y a pas lieu d’en douter un moment, le rappel de son légat n’était pas autre chose dans la pensée du saint-père que le signe ostensible de sa volonté de rompre d’une façon définitive et publique avec le chef du gouvernement français. Afin que personne n’en ignorât, et pour mettre ses propres sujets et l’église catholique tout entière au fait de la ligne de conduite qu’il venait d’adopter. Pie VII réunit le 16 mars en consistoire tous les cardinaux présens à Rome. Depuis que les scellés avaient été mis sur les presses du Vatican, il n’y avait plus d’autre moyen pour Pie VII d’entrer en communication avec la chrétienté que de s’adresser verbalement aux membres du sacré-collège. Ce fut donc d’une voix émue, plus animée qu’abattue par la douleur, qu’il leur donna lecture d’une longue allocution papale, ou plutôt d’une sorte de discours dans lequel il les prenait pour ainsi dire à témoins de tous les outrages qu’il avait endurés de la part du chef de la France. Le début de son discours était vraiment pathétique.


« Il est donc arrivé, nos vénérables frères, ce jour malheureux que nous avaient annoncé, pendant trois années consécutives, tant de menaces non interrompues de l’empereur des Français, roi d’Italie, si nous nous opposions aux principes qu’il veut établir, aux droits qu’il prétend avoir et qu’il nous a fait connaître, soit par lui-même, soit par ses ministres, et si nous ne consentions pas aux demandes qu’il nous a faites. La presque totalité de nos états ayant été envahie, on s’est encore emparé de notre ville de Rome, qui est le siège de notre résidence et le centre de l’église catholique. Nous avons eu l’amère douleur de la voir remplie de troupes armées, opprimée, écrasée sous le poids des charges qu’on lui imposait en violant tous les droits des nations et toutes les règles de la justice. Nous avons vu un bataillon français prendre possession du château Saint-Ange ; nous avons vu placer des corps de garde dans toutes les rues, sur toutes les places publiques, sans en excepter même celle du palais Quirinal, qui est pour nous habituellement un séjour de repos, de paix et de tranquillité. Vous-mêmes, vénérables frères, quand vous vîntes naguère ici pour célébrer solennellement avec nous l’une des fêtes de la très sainte Vierge, mère de notre Dieu, n’avez-vous pas été obligés de passer à travers des faisceaux d’armes, de gens armés, de canons auxquels on était prêt à mettre le feu, et qui étaient dirigés contre les portes de notre demeure ? N’avez-vous pas été témoins de la profonde douleur, des gémissemens, des larmes, du silence et de la