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encore se dire catholique. Je n’ignore point quel est le but de toutes ces violences : on voudrait, en me séparant peu à peu de tous mes conseillers, me mettre hors d’état d’exercer mon ministère apostolique et de défendre les droits de ma souveraineté temporelle. J’ordonne à mon ministre de ne point obéir aux injonctions d’une autorité illégitime. Que votre général sache que, si la force doit l’arracher d’auprès de moi, ce ne sera qu’après avoir brisé toutes les portes, et je le déclare à l’avance responsable des conséquences d’un aussi énorme attentat. » L’officier français, un peu interdit, demanda respectueusement au cardinal de vouloir bien lui traduire les paroles de sa sainteté, qu’il n’avait pas comprises parce qu’il n’entendait pas l’italien, et promit de les rapporter fidèlement à son général. A peine était-il sorti : « Monsieur le cardinal, allons, » s’écria Pie VII, et, prenant le secrétaire d’état par la main, il remonta vers ses appartemens par le grand escalier du palais au milieu des serviteurs pontificaux, qui ne pouvaient retenir leurs applaudissemens. Trois pièces contiguës à sa chambre à coucher furent désignées par le saint-père pour servir de demeure à son ministre. Le soir même, il donna l’ordre de fermer la porte principale du Quirinal, et de ne plus jamais laisser entrer un seul officier français, quel que fût son grade et sous n’importe quel prétexte.

La nouvelle de cette scène étrange se répandit dans Rome avec une extrême rapidité. Il n’y avait nulle part assez d’éloges pour la courageuse fermeté du saint-père. Le peuple romain, tout le clergé et surtout les habitans du Transtévère se montraient particulièrement satisfaits et fiers de l’attitude qu’avait enfin prise le chef de la catholicité. Qu’allait faire maintenant le général Miollis? Irait-il enlever Pacca jusque dans les bras du saint-père? Le général Miollis, un peu désappointé du malheureux succès de sa démarche, prit un parti infiniment plus sage; il se tint parfaitement tranquille. Aussi bien le temps n’eût pas été opportun pour créer de nouveaux embarras à son maître. L’empereur venait d’annoncer au sénat[1] l’intention de pousser les affaires d’Espagne avec la plus grande activité, et d’aller détruire lui-même les armées que l’Angleterre avait débarquées dans ce pays. Le ton de son message au premier corps de l’état n’était pas dépourvu d’une certaine gravité sérieuse et un peu triste qui contrastait avec d’autres documens jadis écrits en pareille occurrence avec l’entrain d’un homme assuré de courir à de nouveaux succès. Évidemment la parole était aux événemens de la guerre, et les affaires de Rome, cette fois encore comme par le passé, devaient se résoudre ailleurs que dans

  1. Message au sénat du 4 septembre 1808.