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ses murs et sur des champs de bataille bien éloignés de l’Italie. La pensée de l’empereur était présentement occupée d’autre chose que de sa querelle avec le saint-père; mais, tandis qu’il poursuivait jusqu’en Castille, dans l’Aragonais et dans l’Andalousie les armées réunies de l’Espagne et de l’Angleterre, il n’était pas cependant si distrait des événemens survenus à Rome, qu’il ne s’en expliquât de façon à bien donner à entendre que l’exécution de ses desseins n’était qu’ajournée et nullement abandonnée. « Le code Napoléon, écrivait-il d’Aranda le 27 novembre 1808 au nouveau roi des Deux-Siciles, Joachim Murat, le code Napoléon est adopté dans tout le royaume d’Italie, Florence l’a, Rome l’aura bientôt, et il faut bien que les prêtres cessent de caresser les préjugés et se mêlent de leurs affaires[1]. » Cette sortie contre les prêtres était certainement à l’adresse de Pie VII, et de la part de l’empereur une réponse à la scène du 6 septembre. C’est également pour se venger de l’opposition si malséante du pape à ses desseins que, de sa résidence de Chamartin, auprès de Madrid, il écrivait aux évêques d’Italie, après la prise de Rozas, « pour les inviter à chanter un Te Deum dans leurs saintes églises et y faire les prières accoutumées, afin de demander à Dieu, de qui tout émane, qu’il continue à bénir les armes françaises et qu’il écarte du continent la maligne influence des Anglais, aussi ennemis de toute religion que du repos et de la tranquillité des peuples[2]. » Au 1er janvier 1809, encore retenu à Benavente en Espagne, Napoléon, qui avait en vérité le don de penser à tout, avait découvert un moyen qui lui avait beaucoup souri de se rendre personnellement désagréable à Pie VII.


« Monsieur de Champagny, écrivait-il à son ministre des relations extérieures, le pape est dans l’usage de donner des cierges aux différentes puissances. Vous écrirez à mon agent à Rome que je n’en veux pas. Le roi d’Espagne n’en veut pas non plus. Écrivez à Naples et en Hollande pour qu’on les refuse... Mon chargé d’affaires fera connaître que le jour de la Chandeleur je reçois des cierges bénits par mon curé, que ce n’est ni la pompe ni la puissance qui donnent de la valeur à ces sortes de choses. Il peut y avoir en enfer des papes comme des curés; ainsi le cierge bénit par mon curé peut être une chose aussi sainte que celui du pape. Je ne veux pas recevoir ceux que donne le pape, et tous les princes de ma famille doivent en faire autant[3]. »


Rendu à Paris, l’empereur écrivait à peu près à la même époque

  1. Lettre de l’empereur à Joachim Murat, roi des Deux-Siciles, 27 novembre 1808. — Correspondance de Napoléon Ier , t. XVIII, p. 85.
  2. Circulaire aux évêques d’Italie, 16 décembre 1808.
  3. Lettre de l’empereur au comte de Champagny, 1er janvier 1809. — Correspondance de Napoléon Ier, , t. XVIII, p. 165.