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mens me dictaient mon devoir, et je me décidai à exécuter les ordres que je recevrais par écrit dès que la troupe serait arrivée[1]. » Une circonstance importante, à propos de laquelle concordent parfaitement les deux récits du général Radet, c’est qu’il ne reçut point d’abord d’ordre écrit au sujet du pape. Le général Miollis ne lui remit d’ordre écrit que pour arrêter le cardinal Pacca, et, en cas d’opposition de la part du saint-père, l’ordre verbal de l’arrêter aussi et de les conduire tous deux à Florence. Radet comprit qu’il n’obtiendrait rien de plus; cela lui suffit, et il commença ses préparatifs à l’instant même. Il aurait été question d’assiéger une place forte et de livrer l’assaut à l’ennemi le plus redoutable que l’on n’aurait pas déployé plus de prudence, de stratégie et de ruses.


« Le 5, à la pointe du jour, continue toujours Radet, je fis les dispositions matérielles, que je parvins à soustraire aux yeux des Romains par de petites patrouilles croisées et des mesures de police. Je retins tout le jour les troupes dans les casernes pour donner plus de sécurité au public et dans le palais du Quirinal. Enfin j’employai tous les moyens et tous les prétextes propres à écarter jusqu’au soupçon. A neuf heures du soir, je fis venir l’un après l’autre les chefs militaires, à qui je donnai mes ordres. A dix heures, tout était réuni sur la place des Saints-Apôtres et à la caserne de la Pilota, où était le centre de mes opérations... A onze heures, je plaçai moi-même mes patrouilles, mes gardes, mes postes et mes détachemens d’opération, pendant que le gouverneur général faisait occuper les ponts du Tibre et le château Saint-Ange par un bataillon napolitain[2]. »


Tous ces détachemens d’opération dont le général fait ici le complaisant dénombrement étaient, d’après son récit du 13 juillet 1809 (ce qu’il oublie de dire en 1814), munis d’échelles d’escalade, de cordes, de grappins et de torches. Le signal devait être donné à une heure après minuit ; mais une sentinelle veillait comme à l’ordinaire sur la tour du Quirinal. Radet, qui avait des intelligences dans l’intérieur du palais, en était informé. Il savait aussi que d’ordinaire cette sentinelle cessait sa faction à l’aube du jour. Lui-même guetta de chez lui sa rentrée. A deux heures trente-cinq minutes, quand il la vit disparaître, il donna le signal[3]. Le signal eut pour effet de mettre en branle trois bandes différentes, car le général Radet procédait suivant les règles et tentait à la fois trois assauts simultanés, afin de mieux diviser les forces de la garnison du Quirinal. Un détachement de trente hommes escaladait

  1. Relation du général Radet, septembre 1814.
  2. Ibid.
  3. Ibid.