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survient en septembre, époque de l’étiage pour les autres fleuves de l’hémisphère boréal; puis il coule à travers 500 lieues de sables, près de la moitié de sa course totale, sans recevoir aucun affluent et sans se laisser absorber. Il se jette dans la Méditerranée vers le 31e degré de latitude, et c’est vers le 18« degré, à 2,000 kilomètres de l’embouchure, que le dernier affluent, l’Atbara, sorti des montagnes de l’Abyssinie, se joint à lui; un peu plus haut, à Khartoum, le Nil-Bleu ou Bahr-el-Azrek lui verse le tribut de ses eaux; ces deux rivières, de même que le Soubat, dont le confluent est plus au sud, se réduisent presque à rien durant la saison sèche. Grossies à l’automne par les pluies estivales de l’Abyssinie, elles deviennent en peu de jours et restent durant plusieurs mois des torrens impétueux; de là cette crue annuelle dont la terre des pharaons profite depuis des siècles. Loin d’être, comme certains voyageurs l’ont cru, le bras principal du grand fleuve, le Nil-Bleu n’atteindrait qu’avec peine la Méditerranée, s’il était réduit à parcourir seul l’étroite et sèche vallée d’Égypte.

Après cette longue course solitaire entre deux océans de sable, de la Méditerranée au 18e degré de latitude, le Nil reprend en amont de Méroé l’allure commune à tous les cours d’eau du globe. Son bassin s’épanouit en un immense éventail, son lit recueille les eaux d’un vaste demi-cercle qui n’a pas moins de 400 lieues de diamètre. A l’est, ses tributaires s’étendent jusqu’au cœur de l’Abyssinie, pays de hautes montagnes dont les pics principaux montent à 5,000 mètres au-dessus du niveau des mets; vers l’ouest, il était naturel de supposer l’existence de quelque autre puissant massif. C’est de ce côté que se dirigeait au commencement de 1863 une expédition qui emprunte un intérêt particulier au caractère des personnes dont elle était composée. Trois dames d’une haute naissance et d’une éducation supérieure, Mme Tinné, fille d’un amiral hollandais, sa sœur, la baronne van Capellen, et sa fille, miss Alexandrina Tinné, revenaient en Égypte pour la troisième fois au mois d’août 1861 avec le désir d’entreprendre des explorations lointaines. Une grande fortune leur rendait l’exécution de ce projet plus facile. Après avoir consacré plusieurs mois à une excursion dans le haut du fleuve, ces dames s’adjoignaient deux savans et intrépides Allemands, M. de Heuglin et le docteur Steudner, et voguaient vers le Bahr-el-Ghazal, affluent peu connu qui se jette dans le Nil au milieu des marécages du lac Nô. L’entreprise ne fut pas heureuse. Le docteur Steudner et Mme Tinné succombèrent aux fièvres du pays. Les voyageurs furent incapables de s’avancer aussi loin qu’ils l’auraient désiré. Toutefois il paraît résulter de leurs observations que les eaux du versant occidental du Nil se traînent sur un terrain de