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sait, un triangle dont le sommet est occupé par la colonie du Cap, ancien établissement hollandais qui est à présent entre les mains des Anglais. L’élève des moutons et des bestiaux y est la principale source de richesses. C’est au reste une colonie bien vivace, de même que toutes celles fondées par les Anglais en d’autres parages, colonie s’administrant elle-même, faisant des routes, des ponts, des chemins de fer, des docks, des ports, des télégraphes, s’annexant de temps à autre quelques parcelles de terrain grandes comme des royaumes. Il n’y a rien à dire contre ces annexions, qui déplacent un peu les aborigènes et les refoulent vers les solitudes du centre, mais qui sont toujours précédées ou accompagnées par une occupation agricole ou pastorale. Sur la frontière du nord subsistent les deux républiques de Transfal et d’Orange, où se sont réfugiés les descendans des vieux colons hollandais, que l’abolition de l’esclavage et le contact des mœurs anglaises a effarouchés. Isolés du reste du monde par de vastes terrains incultes et déserts, ils ont rétrogradé, dit-on, vers la barbarie, et ne sont plus guère supérieurs aux indigènes qui les avoisinent. Toutes ces colonies, d’origine européenne, sont environnées par les naturels, Cafres, Bassoutos ou Zoulous, auxquels il faut faire la guerre parfois. Cependant il n’y a pas entre les deux races un antagonisme constant et en quelque sorte fatal, comme en Australie et dans l’Amérique du Nord. Tous ces établissemens sont prospères; le sol est fertile, riche en produits minéraux, le climat est sain et tempéré. C’est une excellente base d’opérations pour de nouvelles conquêtes et en attendant pour de nouvelles découvertes.

Le reste des côtes de l’Afrique australe est tombé en des mains moins habiles. A l’ouest, sur l’Atlantique, les Portugais occupent les territoires de Benguela et d’Angola; à l’est, sur la mer des Indes, leur drapeau flotte sur quelques points de la province de Mozambique. On y rencontre des forts, des comptoirs d’échange, des centres de missions catholiques. Il est difficile de savoir à quel degré de civilisation et de prospérité sont arrivées les colonies portugaises, car il n’est pas de nation qui montre plus d’insouciance pour les publications d’un intérêt géographique ou économique. Il paraît cependant qu’après une occupation plusieurs fois séculaire les Portugais ne possèdent encore qu’une connaissance imparfaite des vastes domaines africains sur lesquels s’étend leur suprématie. Le cours supérieur du Zambèse, le principal cours d’eau de leurs possessions, leur était presque inconnu avant les voyages récens de Livingstone. Au reste, d’autres causes que la différence de race devaient empêcher les territoires du Mozambique et de Benguela de devenir de véritables états européens, comme les