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que ce cours d’eau prît naissance dans un lac. C’est vers ce côté que furent dirigés les derniers efforts de Livingstone. Une première tentative l’avait amené jusqu’à la belle nappe d’eau que les gens du pays désignaient sous le nom de Nyassa, ce qui signifie simplement grande eau. On remarquera l’analogie de ce mot avec le nom du lac découvert par Speke, le Nyanza, qui est à trois cents lieues de là. Nous aurons à revenir plus tard sur cette coïncidence de langage. Le pays était très peuplé et d’un bel aspect. Plusieurs belles rivières débouchaient dans le lac, dont les eaux étaient très poissonneuses. Livingstone ne put y faire un long séjour, et se vit contraint, faute de ressources, de revenir en Angleterre. Il rapportait les informations les plus séduisantes sur la valeur agricole et commerciale de la région qu’il venait de parcourir. A l’en croire, les prairies naturelles qui couvrent les hautes terres sont les meilleures de toute l’Afrique : elles sont éminemment propres à l’élève du bétail. L’indigo croît à l’état sauvage, le coton est de qualité supérieure, la canne à sucre réussit, même sans engrais. Les terres basses et marécageuses du littoral une fois franchies, les Européens trouveraient un sol riche et un air salubre, quoique un peu chaud. Des rapports si favorables décidèrent l’envoi de quelques missionnaires anglicans dans la vallée du Shiré; mais cet établissement, qui avait un but tout à la fois religieux, politique et commercial, ne fut pas heureux. Les missionnaires furent frappés par la maladie et périrent, sauf deux, qui revinrent en Angleterre raconter ces désastres. Au reste, Livingstone n’avait pas renoncé à poursuivre la série de ses travaux. L’amour des découvertes, qui le soutenait depuis vingt ans dans une vie de fatigues et de misères, le fit revenir une fois encore, au commencement de 1866, sur la côte de Mozambique. Explorer les environs du Nyassa, parcourir l’espace vierge qui est compris entre ce lac et celui de Tanganika, visiter la côte occidentale de ce dernier, dont Speke et Burton n’avaient vu que la côte orientale, rattacher en un mot ses voyages antérieurs à ceux qui ont été dirigés avec tant de succès depuis quelques années vers la région du Haut-Nil, tel était le plan de l’aventureux missionnaire. Ce vaste programme n’a pas été rempli. Livingstone se rendit d’abord à Bombay pour organiser son expédition et recruter un certain nombre de coulies qui devaient composer son escorte, puis il vint toucher la côte d’Afrique à l’embouchure de la Rovouma. Les incidens de ce dernier voyage sont encore peu connus, car on n’en sait que ce que le consul anglais de Zanzibar a ouï dire aux indigènes. Il paraîtrait que Livingstone, après avoir traversé le Nyassa vers son extrémité septentrionale, se dirigeait vers le Tanganika, lorsqu’il fut attaqué par une tribu de Mazites--