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Zoulous, et périt en cette rencontre. Une expédition de recherche qui s’est mise en route dès l’arrivée de cette triste nouvelle révélera sans doute les particularités de ce funeste accident, dont il n’y a encore aucun récit authentique. Des rapports plus récens permettent de conserver quelque espoir. À trois journées de marche de cet endroit, un Allemand, le docteur Roscher, avait été assassiné en 1860. On est douloureusement ému par de telles catastrophes, surtout si l’on songe qu’une fin violente ou prématurée est le sort presque inévitable de tant de courageux et énergiques explorateurs. Peney, Steudner et Mme Tinné sont morts des fièvres pernicieuses dans la vallée du Nil-Blanc, Beurmann et Vogel ont été tués par les indigènes du Soudan, le baron de Decken par ceux de la côte de Zanguebar ; Livingstone enfin, qui sut si bien se faire aimer par les populations natives et vivre en paix avec elles, Livingstone a peut-être succombé à son tour. Que de nobles existences sacrifiées en peu d’années au génie des découvertes ! Encore ne citons-nous que les chefs et les plus notables, car la liste serait bien plus longue, si l’on y voulait comprendre tous les Européens qui ont été victimes du climat ou de la cruauté des naturels.

Il est temps d’envisager d’un point de vue d’ensemble les vastes espaces de l’Afrique australe et d’examiner quelle liaison existe entre cette région et celle du Nil. Plusieurs grands fleuves arrosent cette moitié du continent africain, l’Orange, le Zambèse, le Congo ; mais, autant qu’on peut le deviner, le cours des eaux n’y est pas libre et régulier. Le Zambèse, qui est mieux connu que les autres, part d’un plateau élevé à plusieurs centaines de mètres au-dessus du niveau des mers, il descend en formant des cataractes dont l’une, la chute Victoria, est plus belle, nous dit-on, que le saut du Niagara ; puis il s’ouvre un étroit passage à travers une chaîne de montagnes et se jette dans l’Océan par un large delta, au milieu de terres basses et marécageuses. Au nord et au sud de ce fleuve, en la partie moyenne de son cours, apparaissent des lacs d’eau douce et des bassins fermés. Du Cap à l’équateur, de l’Atlantique à la mer des Indes, il paraît exister une sorte de haut plateau, large massif monté tout d’une pièce ; pas de hautes chaînes, de simples petites montagnes ; pas de grande mer intérieure ni d’entailles profondes dans le rivage de l’Océan, mais des dénivellemens sans profondeur sur une surface modérément ondulée. C’est par excellence une région lacustre. Les dépressions du terrain semblent s’aligner du nord au sud, d’un bout à l’autre du continent. Ainsi la vallée du Nil, le Tanganika, le Nyassa, le Shiré, se suivent en ligne presque droite, et, fait digne d’être noté, dans une direction parallèle à la Mer-Rouge, comme si l’écorce du globe s’était plissée