Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/336

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les voyageurs modernes ont aperçu des oasis couvertes de hautes montagnes, de fraîches vallées arrosées par de véritables fleuves.

Sur les côtes de l’Atlantique, cette région est bornée vers le sud par la vallée du Sénégal. Nul n’ignore ce qu’est devenu ce dernier pays entre les mains des Français et sous l’active direction d’un habile et savant gouverneur, le général Faidherbe. Les tribus noires qui en occupent la rive gauche, de même que les tribus maures qui habitent les territoires de la rive droite, ont été pacifiées; l’influence de notre drapeau s’est fait sentir vers le haut du fleuve, si bien que deux aventureux officiers viennent de pénétrer par cette voie sans accident, sinon sans péril, jusqu’aux bords du Dhioliba. Au mois d’octobre 1863, M. Mage, lieutenant de vaisseau, était envoyé en mission, en compagnie du docteur Quintin, vers le royaume musulman de Ségou. Aucun Européen depuis Mungo-Park n’avait franchi le faite qui sépare le bassin du Sénégal de celui du Niger. Nos deux compatriotes arrivèrent sains et saufs au but de leur excursion ; mais ils s’y trouvèrent au milieu d’une guerre civile épouvantable. Le roi du pays ne se soutenait que par d’affreux massacres dont M. Mage fut souvent le témoin indigné. Bien plus, il ne put faire autrement que de suivre ce cruel souverain en plusieurs expéditions contre les rebelles, et fut contraint d’assister à d’horribles combats après lesquels tous les prisonniers étaient immolés. Que dire d’un pays où l’on paie les achats en esclaves comme chez nous en monnaie d’or ou d’argent? — Combien ce cheval? — Trois captifs. — Combien ce bœuf? — Un demi-captif. — Un demi-captif signifie un enfant ou un vieillard. Voilà ce que sont les états indigènes qui séparent le Soudan du Sénégal. Toutefois il ne faut pas trop désespérer de l’avenir de ces régions. Le voyage de MM. Mage et Quintin a posé un jalon sur la route de Saint-Louis à Tombouctou; encore quelques années, et le courant naturel du commerce des caravanes pourrait bien se rétablir dans cette direction.

La mémorable expédition du docteur Barth nous a révélé ce qui se trouve à l’orient de Tombouctou. Parti vers 1849 avec Richardson et Overweg, que l’Angleterre envoyait au Soudan pour en explorer les ressources commerciales, ce savant vécut cinq ans dans le Bournou et l’Adamaoua, au milieu même de l’Afrique, et réussit à pénétrer dans la cité mystérieuse de Tombouctou. Vogel, qui alla plus tard à sa rencontre, a complété pour sa part la description de ces contrées inconnues. On ne sait que trop quel fut le sort funeste de presque tous ces explorateurs. Barth revint seul, ses compagnons ayant succombé à l’insalubrité du climat; Vogel périt assassiné dans le Ouaday, de même que M. de Beurmann, autre voyageur d’élite, qui avait voulu s’engager aussi dans ce dis-