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les enfans sont seuls épargnés, parce qu’ils représentent seuls une valeur commerciale. En outre des massacres dont ces guerres atroces sont l’occasion, les souverains indigènes font mettre à mort leurs propres sujets sous le plus futile prétexte. Dans le royaume d’Ouganda, près du lac Nyanza, c’est une loi du pays qu’il doit y avoir chaque jour au moins une exécution capitale. Dans le Dahomey, le sang coule à flots aux époques de fêtes publiques. Voilà ce que devient la race mélanienne lorsqu’elle est conduite par ses propres instincts. Est-ce à l’esprit de race qu’il faut attribuer ces tendances pernicieuses? Au contact d’autres peuples, les nègres se pervertissent encore davantage, loin de s’améliorer. N’y a-t-il pas de quoi désespérer de leur avenir à les voir n’emprunter que de funestes exemples aux hommes plus civilisés qui les entourent? On se demande en vérité, lorsqu’on examine ces sociétés où la force seule est respectée et fait loi, si ce n’est pas un acte de justice providentielle que leur assujettissement dès qu’elles viennent en contact avec les nations policées de l’Europe.

Une seule qualité cependant sauvera les nègres d’une destruction totale. Par nature, ils sont dociles et maniables, serviles même et prompts à s’abandonner aux influences du moment. On l’a dit avec justesse, ils ont l’âme plastique. De là vient leur disposition à se laisser imposer la suprématie des étrangers. Au fond de leur cœur règne une crainte superstitieuse des blancs, auxquels ils reconnaissent d’instinct une incontestable supériorité morale et attribuent un pouvoir surnaturel. La domination étrangère, si elle était exercée par des despotes intelligens, contribuerait bien mieux à les améliorer que les prédications religieuses. Une nouvelle religion en fait de redoutables sectaires, et de nouvelles croyances n’étouffent qu’à demi dans leur esprit le germe de superstition que la nature y a déposé. Ils n’acceptent les dogmes qu’on leur enseigne qu’en élaguant tout ce qui élève l’âme. Ceci explique pourquoi le mahométisme est mieux accueilli par eux que le culte chrétien, et pourquoi le fétichisme est au fond leur véritable religion d’état. Idolâtres, chrétiens ou musulmans, ils se livrent avec ferveur à la pratique des sortilèges.

Au reste les nègres de l’Afrique ne sont pas homogènes; ils semblent se diviser en deux grandes familles. Toutes les tribus de l’Afrique australe, sauf les Hottentots et les Boschmen, que l’on rencontre dans le voisinage immédiat de la colonie du Cap, appartiennent à une même race, et, ce qui est plus caractéristique, ils parlent tous des langues qui ont une origine commune. Ce fait se révèle d’une façon frappante dans l’analogie entre les noms de peuples ou de lieux de cet immense continent. Les lacs s’appellent Nyanza au nord et Nyassa au midi; il y a des Zoulous sur les bords