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ment autochthones sur cette terre africaine que de vieux préjugés géographiques avaient obstinément vouée aux nègres? Il semble difficile d’en douter, car on découvre chez eux des langues primitives sans analogie avec les idiomes sémitiques ou indo-européens, et c’est surtout au sein des montagnes, dernier refuge des nationalités vaincues, et au centre du Sahara que ces langues se sont conservées avec le plus de pureté. Vers l’orient, ce sont les Somals et les Gallas, hommes à peau claire et à cheveux lisses, qui occupent tout l’espace compris entre la côte de Zanguebar et l’Abyssinie. Ils se refusent si bien à laisser des étrangers s’introduire au milieu d’eux, que nul Européen n’a pu pénétrer encore dans leur pays, sauf peut-être quelques missionnaires catholiques qui s’y glissent par les frontières de l’Abyssinie. Malgré la nature escarpée des montagnes qu’ils habitent, les Abyssins ont été moins heureux. A une époque très ancienne, des colonies arabes traversèrent la Mer-Rouge et vinrent fonder, après avoir soumis la population aborigène, un état qui eut sa période de célébrité, le royaume d’Axoum. Convertis au christianisme vers le IVe siècle, les Axoumites subirent bien des révolutions, s’allièrent aux Grecs d’Egypte et aux empereurs de Constantinople, soutinrent des guerres désastreuses contre les invasions musulmanes, et finirent par se laisser imposer le mahométisme et par retomber dans la barbarie. On sait quelles furent les vicissitudes des premiers habitans de l’Egypte et par combien de maîtres ils se laissèrent dominer. Les Berbères, rameau de la même race, auxquels appartenait le littoral de la Méditerranée, ne furent pas plus heureux.

Ceux-ci surtout doivent nous intéresser, puisqu’ils sont les habitans primitifs de l’Algérie et de tous les pays qui avoisinent notre grande colonie africaine. Connus autrefois sous les noms divers de Libyens, de Numides et de Maures, ils défendirent vigoureusement leur territoire; mais ils ne surent pas cependant en éloigner les nations étrangères, car les Phéniciens d’abord, les Grecs et les Romains ensuite, devinrent maîtres d’une partie du littoral. Toutefois les souvenirs légendaires que Massinissa et Jugurtha, qui n’étaient autres que des chefs berbères, ont laissés dans l’histoire prouvent qu’ils eurent leurs jours de grandeur, et qu’ils furent capables de soutenir la lutte avec énergie. En dépit d’une résistance acharnée, les Romains s’emparèrent de toute la Numidie, et les populations autochthones perdirent jusqu’à leur nom. On en fit des barbares, titre générique de toutes les nations qui résistaient à la conquête romaine. Aux Romains succédèrent les Vandales. Peut-être après les Vandales les Berbères reconquirent-ils quelques années d’indépendance; mais ce bonheur ne fut pas de longue durée, car l’invasion des Arabes s’étendit comme un fléau sur tout le nord