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Faisons un pas de plus, et montrons maintenant que la plante peut, outre les évolutions organiques que nous venons d’indiquer, se mouvoir comme les animaux, d’une façon extérieure et visible. La motilité, dit expressément Tiedemann, ne doit plus être considérée comme une propriété appartenant exclusivement aux animaux. Les végétaux, à la vérité, sont impuissans à changer de place à volonté, enchaînés qu’ils sont par leurs racines, mais des mouvemens distincts accompagnent la formation, l’accroissement et la nutrition de la plante. Chez quelques-unes, les organes floraux se rapprochent l’un de l’autre à l’époque de la fécondation ; d’autres offrent en outre une motilité périodique en rapport avec les différentes heures du jour ; enfin chez certaines, les fleurs, les feuilles et les organes fructificateurs entrent en mouvement à l’occasion d’excitations extérieures. Avant d’étudier ces divers phénomènes, il est nécessaire, pour la clarté du sujet, d’établir quelques distinctions. Tous les mouvemens n’ont pas une même origine : les uns, paraissant dépendre de la marche même de la végétation, se manifestent soit d’une façon constante, soit d’une manière périodique. Nous les appellerons mouvemens spontanés. Les autres, pouvant se reproduire subitement et en toute circonstance sous l’excitation des mêmes causes extérieures, seront désignés sous le nom de mouvemens accidentels.

On ne saurait commencer plus naturellement l’histoire des mouvemens végétaux spontanés que par celle des premières évolutions de la graine. Dans quelque situation que se trouve une semence en germination, deux courans s’établissent aussitôt. La radicule plonge vers le sol, la tigelle s’élance en sens inverse et se dirige vers la lumière. Tout le monde connaît cette particularité ; mais ce que personne ne saurait dire, c’est la cause de cette double tendance. La plupart des physiologistes l’ont naturellement cherchée dans les agens extérieurs. La lumière, la chaleur, l’humidité, la pesanteur, la force centripète, la force centrifuge, certaine polarité vague qu’il serait difficile de définir, ont tour à tour été mises à contribution. Autant de stériles hypothèses, les expériences l’ont surabondamment prouvé. Parmi ces expériences, il en est de fort curieuses. Duhamel tourna et retourna des tubes pleins de terre ouverts aux deux extrémités et où germaient des glands de chêne ; ses tentatives n’aboutirent qu’à une chose, à prouver que radicules et tigelles, plus obstinées que les plus obstinés physiologistes, n’acceptent aucun compromis et ne cèdent même pas à la violence. Dans l’obscurité comme dans la lumière, dans l’humidité comme en pleine chaleur, elles obéirent à la loi constante

L’expérience de Dutrochet fut plus concluante encore. Il suspendit en l’air un vase rempli de terre et percé de trous à la base.