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de cette famille australienne et celle d’une famille européenne est vraiment incroyable. C’est à peine si l’on peut dire que la proportion de 1 à 50 en donnerait une idée. Ajoutez que la variété des climats amenée par les diverses altitudes permet de cultiver à la fois le café et le sucre avec autant de succès que le blé et le coton. Mais le plus beau, le plus pittoresque de tous ces états futurs est la Nouvelle-Zélande.

Formée de trois îles très rapprochées, la Nouvelle-Zélande a une superficie un peu plus grande que celle des îles britanniques, dont elle est appelée, par sa configuration et ses avantages physiques, à jouer le rôle dans l’hémisphère austral. S’étendant sur plus de 350 lieues de longueur, le développement de ses côtes lui assurera tous les profits que procurent la facilité des communications et la multiplicité des ports. Le climat est à peu près celui de l’Italie, mais plus uniforme, moins ardent l’été, moins froid l’hiver. La végétation est partout magnifique, et les fougères en arbre croissent jusqu’aux bords des glaciers qui descendent des neiges éternelles des montagnes de l’île du sud. Les observations des médecins militaires prouvent que c’est le pays le plus sain du monde. Sur 1,000 hommes de l’armée britannique, il en meurt par an 8 dans la Nouvelle-Zélande, 14 en Angleterre, 15 au Cap, 18 à Malte, 20 au Canada. La phthisie y est plus rare que partout ailleurs. Heureuses populations! elles sont affranchies du fardeau accablant des dettes publiques et des armées permanentes sous lequel succombent les peuples européens. La misère n’existe pas pour elles, l’aisance est générale. Les vivres sont à meilleur marché qu’en Europe, et les salaires trois fois plus élevés. Un maçon, un charpentier, gagnaient en Australie 12 francs 50 centimes par jour en 1865, un manœuvre 10 francs. Elles ne connaissent ni les chaleurs tropicales qui énervent, ni les froids du nord qui multiplient les besoins et font de l’existence du pauvre une souffrance continuelle. Elles se gouvernent elles-mêmes en paix et en liberté. Elles empruntent à notre antique civilisation tout ce qu’elle a trouvé de bon pour rendre la condition de l’homme plus heureuse, nos meilleurs systèmes d’organisation politique, nos machines les plus perfectionnées, nos idées morales et religieuses les plus justes, les plus conformes aux aspirations modernes. Elles partent, légères, confiantes, pleines d’espérances bientôt réalisées, du point où nous arrivons péniblement, accablés sous le poids des fautes, des superstitions et des rivalités du passé. Nous avançons en trébuchant à chaque pas; elles s’élancent avec la rapidité et la régularité d’un train sur les rails. Depuis que l’homme est apparu sur cette planète, il n’y a point eu de communautés plus fortunées que celles qui vivent à nos antipodes. Puisse leur félicité durer toujours!