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M. DE CAMORS
DE M. OCTAVE FEUILLET.

Il a été dit depuis longtemps que la véritable énergie aimait à s’envelopper de douceur et de prudence, de même que la force physique, lorsqu’elle est vraiment redoutable, se trouve généralement alliée à une extrême bonté. M. Octave Feuillet est l’exemple le plus récent de cette vieille vérité. Il a débuté par des œuvres charmantes, d’une coquetterie gracieuse et d’une délicatesse toute féminine; il a continué par des œuvres passionnées plus vigoureuses déjà que les premières, mais dont la vigueur était surtout puisée dans cette force nerveuse qui est encore un élément féminin, et le voilà maintenant qui couronne cette lente et successive révélation de lui-même par des œuvres toutes viriles dont l’énergie peut se comparer à cette force qui se puise dans la solidité des muscles et des tissus charnels, et qui prouve aux plus incrédules que l’observation morale est chez lui aussi ferme que la sensibilité est vive et fine. Le tempérament de son talent est maintenant parfait, car il peut plier le fer, et un grain d’ambre suffit pour le plonger dans l’ivresse, ce qui veut dire qu’il est également apte à comprendre et à exprimer les sentimens et les pensées les plus opposés de nature. Quelle distance il y a entre des œuvres comme Montjoie et M. de Camors et les œuvres de son début telles que la Crise, la Partie d’échecs, la Clé d’or! Qu’en pensent aujourd’hui ces railleurs sans talent, dont la malignité n’était égalée que par la myopie, qui avaient cru le classer à jamais dans la phalange des esprits de leur sorte en imaginant un assez pauvre jeu de mots que la