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pour l’Italie indépendante et une. La dépréciation des fonds italiens est aujourd’hui une cause d’inquiétude et de souffrance pour les nombreux détenteurs français de ces rentes. C’est en même temps une question de salut et une affaire d’honneur pour l’Italie de mettre sa solvabilité future au-dessus de tous les doutes. Si, par des réductions de dépenses, une plus exacte régularité apportée dans la perception de l’impôt, des taxes courageusement acceptées, il est possible d’établir une perspective sérieuse d’équilibre financier, l’Italie trouvera dans l’amélioration de son crédit une augmentation de puissance politique. La solvabilité assurée est une des premières garanties de l’indépendance d’une nation ; celle-là vaut bien Rome, et elle sera d’ailleurs le meilleur chemin pour y aller le jour où les circonstances permettront la réalisation du vœu national. La réparation financière serait évidemment secondée et hâtée par un resserrement d’alliance auquel ni la France ni l’Italie n’ont intérêt à se refuser.

Un état qu’il serait triste de voir plonger derechef dans les désastreux hasards de la guerre, c’est l’Autriche. Le contre-temps serait d’autant plus déplorable que l’on voit aujourd’hui commencer en Autriche une expérience qui peut être féconde et préparer dans les régions orientales de l’Europe des combinaisons conformes au véritable esprit et aux intérêts certains de la civilisation européenne. Ce qui est d’un présage heureux, c’est que l’entreprise maintenant inaugurée par l’empereur François-Joseph est conçue suivant des idées larges et pratiquée avec une entière et visible bonne foi. L’Autriche tend à se gouverner suivant le libre développement des races dont elle est composée. C’est un essai de confédération de races différentes se gouvernant elles-mêmes sous une seule autorité monarchique. Pourquoi le succès serait-il refusé à cette combinaison, puisqu’elle est honnête et qu’elle est dans la nature des choses ? — La Hongrie débute dans cette organisation avec les allures d’une nation jeune et prospère, vivifiée pourtant par de vieilles mœurs politiques. Une circonstance heureuse la favorise exceptionnellement cette année : elle a eu le privilège d’obtenir de riches récoltes, quand le reste de l’Europe souffre généralement du déficit et de la cherté des substances alimentaires. La Hongrie va appliquer les premiers efforts de son autonomie et de sa liberté à augmenter la puissance de sa production et les moyens de communication qui agrandiront le cercle de ses débouchés. En développant ainsi ses ressources, elle rendra service aux régions du Bas-Danube, et acquerra sur elles une influence heureuse. La vie politique du royaume de Hongrie sera une cause d’émulation généreuse pour le groupe des provinces cisleithanes. Ici les difficultés de races sont plus graves. Il faut apprendre à des Allemands, à des Slaves, à des Polonais, à se gouverner ensemble sans se froisser par des susceptibilités d’origine et des jalousies de langues ; mais la liberté, l’égalité des droits,