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qu’on voudra, à la bonne heure ! C’est justement la raison pour être loyal et chatouilleux sur la parole donnée. Ainsi l’ont pensé même les siècles les plus grossiers. Toujours le devoir de l’honneur s’est accru en raison de l’élévation du rang. Il y a bien eu un temps en effet où les peuples n’étaient pas tenus pour responsables de leurs engagemens ; mais c’est quand ils étaient réputés au-dessous de l’honneur comme du pouvoir, quand l’honneur était le privilège insolent d’une seule classe, quand la foi du gentilhomme paraissait seule digne d’inspirer confiance, quand celle du vilain était sans prix. Ces temps sont passés, et personne ne les rappelle et ne les regrette ; mais si la démocratie doit être, comme il faut bien l’espérer, l’anoblissement de toutes les classes et non l’avilissement d’une seule, foi de peuple doit valoir aujourd’hui ce que valait jadis foi de gentilhomme.

Nous tenons donc ici l’une des causes, et non pas la moins active, du trouble qu’a produit pour nos pères et que produit encore sous nos yeux l’application du droit nouveau, et le remède est suggéré naturellement par l’indication du mal. Il n’est pas une des violences qui affligent nos regards qui n’ait eu pour origine première la violation d’un traité, et qui n’eût été prévenue par une foi plus scrupuleuse. Le désordre de l’Allemagne par exemple est découlé directement, par une conséquence que chacun a ou suivre, de la rupture du traité de Londres, qui réglait la succession du Danemark. Francfort, le Hanovre, paient ainsi par la perte de la liberté, et la France par la diminution de sa grandeur, le tort d’avoir applaudi à l’infidélité dont étaient victimes les humbles Danois du Slesvig. Le danger aurait ou être prévu d’avance, car, les traités étant le seul lien de droit qui unisse les peuples entre eux, la théorie qui enseigne et la pratique qui habitue à s’en affranchir livrent par le fait la société sans défense à la domination de la force. Il est clair aussi que théorie et pratique sont l’une et l’autre non la conséquence, mais bien l’abus et la dépravation du droit nouveau, et qu’on peut les repousser avec une pleine indignation sans faire injure à la souveraineté populaire, en lui rendant au contraire le plus sensible et le plus délicat des hommages. Qu’on le fasse donc et sans délai. Que l’opinion publique, enfin réveillée, flétrisse cet enseignement de perfidie qu’on distribue en son nom. Qu’elle proclame que toutes les conventions sont sacrées pour les peuples, ni plus ni moins qu’elles l’étaient ou devaient l’être pour les rois. Toutes, entendons-nous bien, il ne faut ici ni subtilité ni subterfuge, toutes, y compris celles qui sont imposées par les armes après une guerre malheureuse. Si l’honneur a permis de les souscrire, l’honneur exige qu’on les accomplisse. On peut acheter la vie ; mais, quand on l’achète, il faut la payer. Toutes, y compris