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Jean-Dominique Cassini, le premier directeur de l’observatoire de Paris, était né à Perinaldo, dans le comté de Nice, en 1625. Il montra tout d’abord un talent assez remarquable pour la poésie latine, et composa même une tragédie de Saint Alexis que les religieuses du couvent des cordelières à Gênes représentèrent avec succès : il s’occupa ensuite d’astrologie judiciaire ; mais il ne tarda pas à se convaincre de la vanité de cette prétendue science. A l’âge de vingt-cinq ans, il fut nommé professeur d’astronomie à Bologne. Une comète qu’il observa avec le marquis Malvasia lui fournit l’occasion d’écrire un ouvrage dans lequel il développa ses idées sur ces astres que le vulgaire prenait pour des exhalaisons de la terre. À cette époque, longtemps après la publication des immortelles découvertes de Copernic et de Kepler, il plaçait encore la terre au centre de L’univers. Toutefois cet ouvrage commença la réputation de Cassini, et la découverte de la rotation de Jupiter, de Vénus et de Mars, qu’il fit en 1665 à l’aide des lunettes de Campani, lui acquit une très grande célébrité. Le pape Alexandre VII le chargea d’étudier la cause des inondations du Pô, et plus tard on lui confia la surintendance des fortifications du fort Urbain. Ces travaux l’avaient constamment approché de personnages importans et l’avaient habitué au commerce des puissans de la terre ; il ne manquait aucune occasion pour se parer à leurs yeux de ses découvertes et aussi plus d’une fois de celles des autres. Ces découvertes cependant tenaient, comme le fait remarquer Delambre, principalement à de bonnes lunettes, à de bons yeux, à beaucoup de zèle et de patience et à un grand désir de renommée. Elles étaient de celles qui frappent les regards et qu’on peut rendre facilement intelligibles aux rois et aux reines. C’est ainsi que tout récemment un autre astronome italien s’est fait à Paris une réputation extraordinaire en colportant de salon en salon une belle collection d’images coloriées des taches solaires.

Il y avait alors à Paris un homme d’un mérite autrement sérieux, qui sans aucun doute eût inauguré en France l’ère de l’astronomie de précision et de mesure, s’il avait eu les mains libres pour agir, et si son crédit eût égalé celui de Cassini, qu’il avait eu le malheur de recommander lui-même à Colbert pour la place de directeur de l’Observatoire. Cet homme était l’abbé Picard, prieur de Rillé, en Anjou, et successeur de Cassendi dans la chaire d’astronomie du Collège de France. Il passe pour être le premier qui ait observé les étoiles en plein jour à l’aide des lunettes. Ce qui est plus certain, c’est qu’il a le premier utilisé les lunettes pour la mesure des angles en les appliquant aux cercles divisés à la place des règles munies de pinnules, dont on ne se sert plus de nos jours que pour quelques opérations grossières d’arpentage. La première mesure