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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 janvier 1868.

Le cours des discussions parlementaires nous ramène à l’appréciation de notre situation intérieure. Les motifs d’inquiétude fondés sur l’état des affaires européennes se sont, dans ces derniers temps, notablement atténués. La guerre au printemps n’est plus le fantôme qui hante l’imagination des hommes raisonnables. La loi militaire est votée. Quelle que soit l’opinion que l’on professe sur les combinaisons de cette loi, personne ne peut contester qu’elle nous assure une grande force vis-à-vis de l’étranger. Notre préparation de guerre est formidable ; le rapport de M. Magne nous en a appris l’importance par le chiffre du grand emprunt dont il nous a révélé la nécessité. La France est au dehors à l’abri de tout affront. Elle commence même à obtenir des cabinets étrangers les prévenances ou les ménagemens qui sont toujours observés envers une puissance militaire prépondérante organisée et prête. Nous sommes les maîtres de la paix parce que nous sommes les maîtres de la guerre. Le souci extérieur étant écarté momentanément, la fortune nous laisse le temps de prendre en considération notre situation intérieure, de chercher dans la réforme de nos institutions les garanties que la France doit s’assurer contre les erreurs possibles de son gouvernement, et les garanties qu’elle doit donner au libre et pacifique développement des autres peuples de la société européenne.

Il ne faut point que les petites vues, les préjugés d’habitude, les basses pusillanimités, les préoccupations personnelles, nous détournent de la considération des intérêts d’ensemble qui unissent la sécurité intérieure à la sécurité extérieure de la France. Quand on chicane à la France la pratique des institutions qui placent le gouvernement du pays dans la délibération et la volonté du pays lui-même, on ne nuit pas seulement d’une façon directe à la nation, dont on éteint le génie et dont on énerve le caractère ; on l’affaiblit, où la paralyse, on la met en péril dans ses rapports avec les peuples associés à la civilisation européenne. Qui ose-