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pape de ce siècle pour qui le pouvoir temporel a été une cause de souffrance. Pie VII a eu à subir, comme prince, d’autres oppressions et à lutter contre un adversaire autrement impérieux et inflexible, contre un vrai maître de la force. M. d’Haussonville a recomposé le récit de ce conflit de politique et de religion dans les belles études qui ont été si goûtées de nos lecteurs et qu’il réunit aujourd’hui en volumes sous ce titre : l’Église romaine et le premier empire. Il a tracé là une grande et instructive page de l’histoire de ce siècle. On sait quelle patiente recherche des documens, quel art de composition, quelle sagacité, quelle honnêteté d’intention et quelle impartialité il a montrés dans cette narration. La morale réprouve les artifices ou les violences de Napoléon dans cet épisode de l’éternelle lutte du sacerdoce et de l’empire. Une pitié généreuse s’attache aux tourmens de conscience et à la constance invincible du pontife dépouillé. Si intéressante que soit au point de vue de l’étude de l’âme humaine l’histoire de ce conflit, où la force de la conscience résiste victorieusement à la force matérielle, nous ne pensons pas qu’au point de vue des principes philosophiques du droit et des leçons politiques de l’expérience historique il y ait à souhaiter que les causes d’un tel antagonisme soient perpétuées par le faux système des concordats et des pactes de la puissance temporelle et de la puissance spirituelle.

La politique audacieuse dont on attribue la représentation au général Ignatief n’a point réussi à Saint-Pétersbourg, le prince Gortchakof l’emporte, reste au pouvoir et arrangera à sa guise l’économie de sa vie domestique. Il faut espérer que cette politique modérée découragera les agitations que l’on annonçait comme les préludes d’une prise d’armes prochaine des races slaves et orthodoxes de l’empire ottoman. Ce moment de répit sera mis à profit, il faut l’espérer, par le gouvernement ottoman et par les puissances qui veulent le maintenir, en obtenant de lui les garanties d’une administration meilleure des populations chrétiennes. La France peut apporter dans le patronage des chrétiens d’Orient, combiné avec le respect de l’intégrité de la Turquie, une influence plus sincère, plus désintéressée, plus utile aux chrétiens que celle de la Russie. La politique de Pétersbourg n’est pas pressée d’adopter la devise de Constantinople capitale ; mais elle ne se soucie point que la condition des chrétiens soit améliorée et agrandie de façon à pouvoir se passer un jour de tout patronage européen. Il faut que les chrétiens soient protégés contre les exactions de leurs clergés plus encore peut-être que contre les autorités turques. La Russie ne l’entend point ainsi ; elle s’appuie sur un clergé avide et ambitieux qui maintient les populations dans la misère. S’il était question par exemple de prendre en considération le royaume de Grèce, de l’agrandir par l’annexion de la Crète, de l’Épire, de la Thessalie, on peut être sûr que la Russie s’opposerait à ce vœu des Grecs, qui, satisfait, pourrait susciter une