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ne s’ouvre pas pour elle dans ces expéditions destinées à détruire les chemins de fer et à jeter un trouble fatal dans les communications de l’ennemi ; on étudiera ce nouvel emploi des escadrons, qui, plus d’une fois dans la dernière guerre d’Amérique, a fait du cavalier un fantassin, un sapeur, un ingénieur. Toutes ces améliorations, et d’autres que nous ne saurions mentionner ici, nous les appelons de nos vœux, nous les espérons comme un gage de plus de la supériorité des armes françaises.

Tel n’est pas, selon nous, le caractère de la nouvelle loi militaire, dont nous avons signalé déjà le double tort, celui de ressembler trop à un cri d’alarme et d’être, avec ses deux catégories de soldats, plus menaçante qu’efficace, — celui en outre de dépasser la limite, atteinte par la loi de 1832, des sacrifices qu’un pays doit demander en temps de paix à sa population. Exiger davantage, écraser outre mesure notre race, qui donne déjà, hélas ! quelques symptômes d’épuisement, c’est vouloir (qu’on nous passe la familiarité de l’expression) tuer la poule aux œufs d’or ; c’est donner raison à la triste théorie qui veut que les peuples, au lieu de tirer de leur sein des armées pour leur défense, ne soient que des machines destinées à fabriquer des milliers de soldats avec lesquels on joue, comme avec des pions, sur le vaste échiquier de la folie humaine.

Nous le disons avec conviction, ce système de recrutement à outrance ne saurait durer ; le temps, et un temps qui ne sera pas très long, en fera nécessairement justice : ni la population en effet, ni la fortune publique ne suffiront à le soutenir. Pour être justes, nous excepterons de notre blâme deux des dispositions de la nouvelle loi. Elle a abrogé celle de 1855 et supprimé l’exonération, cette cause si fatale d’épuisement. Elle a en outre rétabli, quoiqu’en dénaturant l’institution, la garde nationale mobile. Nous aimons ce mot, qui représente si bien l’élan national dont chacun serait saisi le jour où un danger réel menacerait la patrie. Nous aimons en particulier l’article qui abolit le remplacement dans les rangs de cette milice. Lorsque toutes les classes de la société sauront qu’un signal de guerre enverra tous leurs enfans s’exposer aux chances du champ de bataille et de l’hôpital, peut-être feront-elles quelques efforts pour obtenir que dans la décision des grandes questions de guerre leur opinion recommence à être comptée pour quelque chose. Ce jour-là, la France aura reconquis sa liberté, et on pourra dire sincèrement et de manière à être cru : L’empire c’est la paix !


L. BULOZ.