Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/877

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

préparatifs de guerre contre le prince de Nagato, à qui les griefs les plus graves étaient imputés. Il avait travaillé à la déposition du taïcoun, on disait même qu’il avait essayé de s’emparer de vive force de la personne du mikado, sans doute pour s’en faire une arme et arriver par là au pouvoir qu’il convoitait. Il avait, devant les étrangers, accusé le taïcoun d’être l’auteur de toutes les difficultés pendantes au Japon ; c’est par l’ordre du taïcoun, il l’affirmait encore, qu’avaient eu lieu les attaques de 1863. Appelé à Yeddo pour donner des explications sur sa conduite, il s’était refusé à y paraître, et on allait jusqu’à prétendre qu’il avait fait mettre à mort des envoyés du taïcoun, que ses troupes avaient battu les soldats expédiés pour le faire rentrer dans le devoir. Il était difficile de découvrir la vérité au milieu de tous ces bruits de la ville. La seule chose évidente était l’intention du taïcoun de faire la guerre au prince de Nagato ; il s’occupait activement de réunir son armée, de préparer ses approvisionnemens et de contracter un emprunt. Il y avait même de l’affectation dans le soin avec lequel on nous tenait au courant de cette expédition. Quelques prophètes de mauvais augure voyaient néanmoins dans ce mouvement autre chose qu’une guerre contre le prince de Nagato et prédisaient un déplacement entier du gouvernement, dont la présence à Yeddo n’avait point de raison d’être, les tracasseries que lui donnait notre voisinage n’étant plus compensées par l’influence politique qu’apportait au taïcoun le séjour obligé des daïmios de l’empire dans sa capitale. D’ailleurs une guerre contre le prince de Nagato était une grave affaire. Ce prince comptait de nombreux amis ; il avait deux proches parens, les princes de Tosa et d’Awa, parmi les dix-huit daïmios indépendans, et tels autres qui paraissaient indécis ou se faisaient neutres pourraient bien se retourner contre le taïcoun en cas d’insuccès pour ses armes.

Plusieurs mois s’écoulèrent sans apporter des nouvelles de la guerre. Le taïcoun, qui avait pris lui-même le commandement de son armée, s’était arrêté à Kioto, et, par suite de difficultés survenues auprès du mikado, il était moins question de combats que d’une réconciliation prochaine dont le prince de Nagato devait faire tous les frais. Ainsi s’exprimaient les autorités de Yokohama ; mais les navires étrangers qui avaient l’occasion de passer dans le détroit de Simonoseki ne remarquaient chez les officiers de Nagato ni humilité ni inquiétude. Ils parlaient fort mal du taïcoun et annonçaient qu’ils l’attendaient de pied ferme. Du reste, l’opinion générale au Japon était que la noblesse ne se prêterait point à l’anéantissement complet d’un de ses membres. Pour tout le monde enfin, l’autorité du taïcoun, le pouvoir auprès duquel nous avions des