Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 73.djvu/937

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mesure qui livrait aux chances les plus incertaines l’avenir moral de ses enfans se manifesta aux états de 1762, tenus peu de mois après l’expulsion des jésuites. Lorsqu’il fut question de la subvention annuelle assignée sur la ferme des devoirs aux établissemens d’instruction publique, l’un des chefs de l’opposition, M. de Coëtanscour, déclara qu’il lui paraissait impossible de continuer cette allocation en présence de la désorganisation générale à laquelle cet important service était en proie. D’autres orateurs vinrent contester au parlement le droit qu’il s’était arrogé de statuer sur un intérêt politique du premier ordre, lequel ne pouvait être décidé que par les états,- qui n’avaient pas même été consultés sur la transformation radicale introduite dans le système de l’éducation publique. Le tiers prit parti pour les arrêts rendus contre les jésuites, et dans cette situation fort critique le commandant de la province dut déployer une extrême souplesse afin de faire prononcer l’ajournement à la tenue suivante, en s’aidant de la docilité habituelle de l’ordre x ecclésiastique. Il suffit de lire dans le journal du duc d’Aiguillon le récit de l’orageuse séance du 26 octobre 1762 pour s’assurer de la parfaite indifférence avec laquelle ce courtisan sceptique, contraint de manœuvrer entre le dauphin et Mme de Pompadour, voyait s’agiter des passions religieuses dont les manifestations ne le touchaient que par les embarras qu’elles lui créaient.

Plus ambitieux de la gloire littéraire depuis qu’il en avait goûté les premiers enivremens, M. de La Chalotais adressa en 1763 un long mémoire à sa compagnie, indiquant quelques combinaisons nouvelles pour combler le vide que venait de créer la disparition du seul corps enseignant que comptât alors la Bretagne. Des prêtres séculiers, réunis à peu près au hasard, avaient remplacé, par une conséquence nécessaire de cette réorganisation hâtive, les jésuites dispersés, et les études étaient tombées à ce point que la moitié des établissemens d’instruction publique laissaient craindre une clôture prochaine. Ce fut dans ces circonstances difficiles, et pour atténuer sans doute sa responsabilité personnelle, que La Chalotais imagina une théorie dont l’effet, si elle avait prévalu, aurait été de réduire des trois quarts le nombre des collèges où s’enseignaient en France les langues classiques, l’idée fondamentale de son système consistant à n’attribuer désormais à cet enseignement qu’un maximum de quatre années. Grand ennemi du travail obligé, qu’il considère comme contraire à la méthode primordiale suivie par la nature pour nous instruire sur les genoux de notre mère, l’auteur de l’Essai d’éducation nationale prétend fonder son édifice sur deux bases principales, l’expérimentation et la mnémonique. Commencé par la géographie et l’histoire, l’enseignement devra continuer par les