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elle peut se prêter à des échanges entre notre globe terrestre et le milieu sidéral, entre notre système solaire et les autres mondes; mais ces échanges ne peuvent avoir lieu qu’à la condition que la somme de l’énergie totale demeure constante. Telle est la loi qu’on désigne sous le nom de conservation de l’énergie. Si l’on arrête sa pensée sur cette loi en écartant toute autre considération, on prend de l’univers une idée qui est nécessairement juste par un certain côté, mais qui peut être fausse à d’autres égards. C’est ce qui arrive en général en toute question quand on se place trop exclusivement à un point de vue spécial. C’est ce qui est arrivé sans doute pour beaucoup d’esprits depuis qu’on a vulgarisé le principe de Mayer et ses conséquences. L’univers, a-t-on pu se dire, ne subit, en raison de la constance de l’énergie, que des modifications temporaires qui s’effacent les unes les autres; il reste donc dans une sorte d’état stationnaire au milieu d’une agitation qui le ramène sans cesse au même point, de telle façon que nous pouvons regarder avec quelque indifférence cette fluctuation stérile des phénomènes, cette mobilité sur place.

Un pareil aperçu de l’univers est faux à force d’être incomplet. Sans doute l’énergie est constante, et il y a là par conséquent quelque chose qui ne change pas; mais si nous cessons de réduire l’univers à ce phénomène tout à fait abstrait de l’énergie, si nous y considérons ces phénomènes réels que nous avons précisés dans cette étude en leur donnant le nom de transformations, nous trouvons non plus un état stationnaire, mais bien une marche dans un sens déterminé. Les transformations qui se font contrairement à cette marche sont transitoires et périssables, les autres subsistent et vont en s’accumulant. Il faut donc faire une distinction entre ce que nous pourrions appeler le fond et la forme de l’univers. Le fond demeure invariable en ce sens que les quantités de matière et d’énergie ne changent pas. La forme subit une variation incessante qui la rapproche d’un état que nous pouvons définir. Voilà une vérité nouvelle qu’il faut placer en regard du principe de la conservation de l’énergie. C’est ce qu’a fait M. Clausius en cherchant à introduire une certaine symétrie dans l’expression des deux lois. De même qu’un corps ou un système de corps se trouve spécialisé au point de vue mécanique par l’énergie qu’il contient, M. Clausius imagine une quantité qui représente chaque corps ou système de corps au point de vue des transformations produites. Il appelle entropie la somme des transformations effectuées pour amener le corps ou le système à son état actuel. Il peut dire dès lors que l’entropie de l’univers tend vers un maximum.

Comment définirons-nous cette espèce d’état-limite vers lequel