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on? On les honore plus qu’on ne s’y soumet. Comparé aux deux siècles qui l’avoisinent, au XVIe et au XVIIIe, le XVIIe est sans doute chrétien, il ne l’est guère dans le vrai sens du mot. L’exemple du monarque énerve le ressort du frein religieux. Si dans le fond des cœurs dorment encore les semences chrétiennes, elles ne germent qu’au déclin de l’âge, non sous le feu des passions. Pour ceux-là seuls qui sont près de mourir, le christianisme reste vivant. Il enseigne le repentir aux âmes qu’il n’a pas gouvernées et qui lui rendent un tardif hommage sans avoir accepté son joug. Ce qui est en progrès au contraire, à mesure que le siècle vieillit, c’est la misère du peuple, l’appauvrissement du sol, l’expatriement de l’industrie, l’épuisement des finances, et, par un enchaînement fatal, la désaffection des sujets, l’affaiblissement de l’autorité royale, l’ébranlement du trône. Un reste de grandeur survit encore et couvre ces ruines, mais l’édifice est vermoulu. Regardez bien : plus de jeunesse, plus d’avenir; le système est à bout, et le prestige a fait son temps.

Telle n’est pas, il s’en faut, la France de saint Louis. Les caractères sont encore rudes, presqu’à demi barbares; la société, qui vient de naître, n’est pas encore élégante et polie, bien qu’à certains égards déjà subtile et raffinée; elle n’a pas le crédit d’extirper d’un seul coup les habitudes guerroyantes et brutales que lui lègue la féodalité; dans son sein, même aux rangs les plus hauts et les plus choisis, chacun de temps en temps se croit encore le maître d’attaquer son voisin, de ne compter que sur soi-même pour se défendre, se protéger et se faire justice; mais une idée commence à naître, une idée qui domine et soutient les esprits, l’idée d’un pouvoir protecteur, ennemi de la violence, défenseur né de la faiblesse, tenant la balance égale entre les grands et les. petits. Au siècle précédent, cette force médiatrice n’était encore qu’un rê.ve, le rêve des opprimés; la voilà qui devient, sous les traits de Philippe-1uguste, de Blanche de Castille et de saint Louis une réalité consolante. La royauté existe, elle est à l’œuvre, sa mission s’accomplit : elle punit et protège, elle ordonne et régularise; ce n’est pas un vain nom, un pouvoir vieillissant, une ombre qui décline : c’est la jeunesse, l’avenir, l’espérance. Aussi quel mouvement dans cette société qu’elle couvre de son aile, qu’elle anime de ses promesses! Quel travail de rénovation ! quelle lutte incessante du bien contre le mal! L’état des mœurs sans doute est loin d’être édifiant, témoin tous ces milliers d’écrits en prose comme en vers d’une morale plus qu’étrange et d’un ton presque obscène; mais, à côté de ce cynisme, quels élans de vertu! quelle ardeur pour le bien! quelle pureté, quelle candeur, quelle sainteté chez certains hommes ! quels traits sublimes de dévouement et de sacrifice ! et comme ces exemples, de quelque