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même sous Vespasien. Celles de Caligula doivent se rapprocher le plus de la vérité, étant plus voisines par le temps. Les monnaies d’or, qui sont fort belles, nous montrent un profil caractéristique qui n’appartient qu’à Agrippine. Le nez est sensiblement busqué, l’intervalle entre les deux sourcils et le nez forme un creux, les sourcils sont accusés, et l’on remarque une disposition de la chevelure qui n’est point celle de l’époque, et dont la simplicité s’éloigne de la richesse des coiffures des Romaines de la cour d’Auguste et de Tibère. Caligula a fait frapper encore des grands bronzes avec l’inscription : « à la mémoire d’Agrippine.» On y voit son portrait de profil, au revers le chariot sacré (carpentum) qui servait à promener les statues des dieux dans les processions. Caligula avait voulu en effet que sa mère, le jour de la pompe du cirque, reçût cet honneur divin. On distingue nettement le chariot traîné par deux mules, quatre cariatides qui supportent la couverture du char et des danseuses ciselées sur les panneaux. Les monnaies frappées sous Claude et sous Vespasien deviennent surtout une commémoration, et il ne faut point s’étonner si elles prêtent à Agrippine quelque ressemblance tantôt avec Caligula, son fils, tantôt avec Agrippa, son père; elles offrent le plus souvent un certain caractère idéal. Les monnaies de Corinthe, colonie de César, et celles de Mitylène, séjour de prédilection d’Agrippa, sont plus conformes au type des monnaies d’or, sans doute parce que ces deux villes possédaient une statue ou un buste d’Agrippine. Ce sont les médailles de Caligula qui doivent faire foi, parce que l’artiste avait connu Agrippine et avait de nombreuses images d’elle sous les yeux. C’est en comparant ces monnaies aux camées, entre autres au camée de la Bibliothèque Impériale qui porte le n° 210, qu’on a pu dire que la célèbre statue dont il existe trois répétitions dans les musées de Rome, de Florence et de Naples représente Agrippine. Celle de Naples a été trouvée sur le Palatin dans les jardins Farnèse, celle de Florence a peut-être été acquise à Rome par les Médicis ; mais le type le plus beau, le mieux exécuté, le plus saisissant, c’est la statue assise du Capitole, tant admirée des voyageurs. C’est elle qu’il convient d’étudier avec attention, avec certitude, puisque l’authenticité en est confirmée par les documens officiels de la numismatique romaine.

Considérons d’abord le visage, nous passerons ensuite à l’attitude et à l’ensemble de la composition. La première particularité est ce nez, si remarquable sur les bronzes de Mitylène ou de Corinthe et sur les monnaies d’or de Caligula; il n’est pas aquilin, il est sensiblement busqué; la bosse est d’autant mieux accentuée que l’intervalle des deux yeux est creusé : cela donne à la face quelque chose de viril et d’énergique. Les sourcils sont épais, l’ar-