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de Saint-George ou de l’agitation russe a subi une assez grave défaite, qui est l’œuvre des communes rurales autant que des villes. Au lieu de dix-neuf prêtres ruthènes qui étaient dans l’ancienne diète, on n’en a élu que sept. Le parti ruthène se trouve réduit presque de moitié, et n’est plus qu’une minorité impuissante au lieu de lutter à forces égales avec le parti national polonais comme précédemment.

Il ne faut pas pourtant s’y tromper, et il faut surtout éviter de se méprendre naïvement sur la valeur de tels symptômes. Pour la Russie, il s’agit bien d’une affaire de majorité ou de minorité dans une diète ! Le droit slave domine tout et justifie tout. Le seul point sérieux et décisif selon le langage des polémistes de Moscou, c’est qu’il y a « au-delà des frontières de la Russie, principalement au sud-ouest, un peuple plus rapproché que tous les autres Slaves ;… » c’est qu’il y a « des Russes qui vivent hors des frontières de l’empire, qui font partie intégrante de la nation russe, qui sont la chair de sa chair, les os de ses os… » La seule question, c’est celle que posait récemment encore un journal russe, le Goloss, en allant hardiment à la conclusion de cette propagande parmi les Ruthènes de la Galicie. « Quelle ligne politique devons-nous suivre à leur égard ? disait-il. Nous déclarons franchement, pour éviter tout malentendu, que la tâche du peuple et du gouvernement russes vis-à-vis de ces membres détachés de la grande famille est de les annexer à l’empire, et nous prenons le mot annexer dans son sens le plus direct et le plus absolu. Dans ce cas, la Russie a le même droit qu’avait l’Italie quand elle s’est annexé la Vénétie, qu’avait la Prusse quand elle a occupé le Hanovre et la Hesse, qu’avait la France en s’annexant la Savoie… L’accomplissement de cette tâche doit être la première préoccupation du gouvernement dans la direction de sa politique extérieure. » Pour atteindre ce but, nous n’avons pas besoin de l’emploi de la force, il suffit d’une politique ferme qui ne recule pas… Une diplomatie habile sait trouver des ressources dans tout ce que les circonstances lui présentent, les alliances, les traités, les mouvemens nationaux ; elle met à profit l’intervention et la non-intervention, les notes diplomatiques, les compensations, les faits accomplis… Quant à la guerre, si la Russie ne peut l’éviter en faisant valoir sa mission nationale, on peut se demander si elle l’éviterait dans l’état actuel de l’Europe en renonçant à cette mission… » C’est au moins parler avec clarté et laisser entendre au maître de la Galicie ce qui l’attend ; c’est préparer de la besogne à la diplomatie du prince Gortchakof ou du général Ignatief et même aux armées moscovites au nom du droit slave et de l’imprescriptible principe des nationalités.