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impériale a accueilli avec satisfaction les ouvertures que M. le marquis de Moustier vous a faites en vue d’une entente entre le cabinet français et nous sur les éventualités qui surgissent en Orient. Les principes généraux que M. le ministre des affaires étrangères de France a émis, les assurances qu’il vous a données, ont aux yeux de notre auguste maître un prix tout particulier, puisqu’ils émanent de la pensée directe de l’empereur Napoléon, et que c’est par ordre exprès de sa majesté que M. le marquis de Moustier a abordé ces questions. » C’était le 16 novembre 1866. Je ferai seulement remarquer une chose : à ce moment, la question du Luxembourg n’était pas née encore, mais elle était déjà bien près de naître ; elle n’était peut-être pas absolument en dehors des prévisions de la diplomatie française. Je voudrais ajouter un autre fait, c’est qu’au même moment la Russie n’était peut-être point absolument sans s’occuper du mariage d’une grande-duchesse avec le jeune souverain de la Grèce, le roi George.

Comment y avait-il alliance entre ces préoccupations diverses, entre des questions d’une nature si différente ? Ce qui est certain, c’est que l’entente avait lieu, et le dernier mot de ce rapprochement inattendu était l’idée de demander à Constantinople la cession de la Crète pour l’annexer à la Grèce. La France serait même peut-être allée plus loin, elle n’aurait pas vu d’inconvénient à compléter encore plus la constitution territoriale du royaume hellénique en lui donnant avec la Crète, l’Épire et la Thessalie ; mais le cabinet de Pétersbourg entre peu d’habitude dans ces vues d’agrandissement trop marqué pour la Grèce : il reste fidèle aux traditions de la politique russe résumées par l’empereur Nicolas dans ses conversations avec sir Hamilton Seymour. « Il y a plusieurs choses que je ne tolérerai jamais, disait l’empereur Nicolas ;… je ne permettrai jamais de reconstituer un empire byzantin ou une extension telle de la Grèce qu’elle pût devenir un état puissant… » La Crète, cela suffisait pour la dot d’une grande-duchesse appelée à régner sur les Hellènes, pour laisser la Grèce à la fois satisfaite et ayant encore à désirer. Toujours est-il que du rapprochement entre la France et la Russie naissait le projet d’une démarche collective tendant à demander au gouvernement turc la réalisation des réformes intérieures, toujours attendues dans l’empire, et la cession de la Crète, déguisée sous la forme d’un vote des populations, — démarche qui se réalisait effectivement dans les premiers mois de 1867, et à laquelle se ralliaient l’Autriche, la Prusse et l’Italie. Cela fait, la Russie poursuivait son but avec une verve de libéralisme et un entrain d’humanité qu’elle retrouve toujours quand il s’agit des « opprimés » de l’Autriche et de la Turquie. Le prince