yeux que la nature nous a donnés. Survient un de ces admiratifs, critiques ou professeurs de littérature, dont le commentaire semble toujours dire :
Je ne sais pas, pour moi, si chacun me ressemble;
Mais j’entends là-dessous un million de mots.
Quelle grâce dans cette apparence de joie qui voile une tristesse!
Et comme le coup de la destinée est à la fois prompt et souverain !
Il y a au moins deux belles choses, fine things, une dans chaque
vers, et voilà la pensée coupée en deux. ‘Viennent ensuite les mots
pittoresques, word painting. N’admirez-vous pas cette expression
de couched, le chagrin couché, enseveli comme dans le pli d’un
sourire? Je laisse à supposer ce qui pourrait être dit de la rapidité
du vers suivant, qui fait changement à vue. Figurons-nous maintenant un poète spasmodique travaillant sur cette pensée; pourra-t-il se passer d’ajouter quelque chose de bien sur cet ennui, sorrow, qui est trop uni, trop seul? Et cette cachette où l’ennui
repose ne mérite-t-elle pas quelque description? Que dire du destin, fate, si bien placé, mais si court dans le vers de Shakspeare?
ne doit-il pas apparaître comme la fatalité dans le théâtre grec? On
devine aisément le déluge de mots et d’images, le nombre de vers,
la stérile richesse dont le poète va embarrasser sa pensée. Ce n’est
pas tout : supposons que le critique se soit arrêté à l’allittération
voulue ou fortuite qui est dans les premières lettres de ces mots :
sorrow, seeming, sudden, sadness. Aussitôt notre poète, pour plaire
au critique et se montrer connaisseur, grand lecteur de Wither, de
Quarles, de Spenser lui-même et de Dryden, se mettra en devoir
d’émailler son petit chef-d’œuvre d’allittérations. Je ne voudrais
pas abuser de cette recherche un peu puérile, ni faire croire que
l’allittération soit dans la langue anglaise aussi froide et aussi ridicule qu’elle le serait chez nous. Je comprends que des oreilles
habituées à entendre sonner l’accent sur la première syllabe de
presque tous les mots soient flattées quelquefois de la ressemblance
dans cette syllabe, et je n’oublie pas que les plus anciens vers de
cette langue, ceux des ballades et ceux du poème de Piers Ploughman sont fondés sur l’allittération; mais c’est la recherche, le travail raffiné que je constate, et il n’a pas tenu aux spasmodiques que
le temps ne revînt où l’épée, blade, était toujours sanglante, bloody,
à cause du b, les champs, fields, toujours fleuris, flowery, par
amour de l’f, et les boucles de cheveux, locks, toujours flottantes,
loosely, en faveur de la lettre l.
Allittération, peinture par les mots, beautés de détail, tout cela prend naissance dans l’imitation et y ramène. L’admiration la plus sincère s’oublie paresseusement dans l’étude des procédés, et, ce