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il avait été transporté; il s’est flétri avant même que la cognée ait touché ses racines, il a perdu le prestige qui seul pouvait soutenir sa vie artificielle.

Dans la nuit du 3 au 4 avril à trois heures du matin, conformément à un vote de la chambre des communes, le speaker de cette chambre quittait le fauteuil de la présidence; l’huissier enlevait du bureau, pour la cacher sous une table, la masse d’armes qui est l’emblème de la souveraineté de l’assemblée. Dès lors, par une fiction légale, celle-ci disparaissait pour faire place à un comité général saisi par le chef de l’opposition de certaines résolutions dont le règlement lui réserve la connaissance. Ce simple manège parlementaire était le symbole par lequel la chambre des communes exprimait une résolution décisive pour l’avenir de l’Irlande, et nous ajouterons pour celui de l’Angleterre. En effet, comme dans la guerre de siège, où l’effort suprême des deux partis se concentre sur un faible ouvrage avancé, de même une grande bataille, une lutte de quatre jours, avait été engagée autour de cette formalité; l’importance des combattans, les ressources d’argumens qu’ils avaient déployées, l’intérêt qu’ils avaient excité en dehors de la chambre, les passions qui les avaient soutenus de part et d’autre, tout enfin donnait un caractère décisif au vote par lequel, à une majorité de 61 voix, le comité général était formé pour discuter les résolutions de M. Gladstone. La question de principe que posaient ces résolutions était tranchée avant même que le texte n’en fût examiné : 331 membres de la chambre avaient exprimé par leur vote le vœu que l’église anglicane d’Irlande cessât d’être une église d’état, 270 seulement s’y étaient opposés.

La discussion approfondie qui a précédé ce vote, celle qui, après quatre semaines de trêve, vient d’être engagée sur les résolutions elles-mêmes, éclairent la pensée de la chambre des communes. Elles nous offrent une occasion favorable pour jeter un coup d’œil sur les institutions que va modifier cette mesure conciliatrice et montrer combien elle était nécessaire. En la proposant à cette heure, le parti libéral a fait preuve de courage et de sens politique; on ne saurait trop l’en louer. Quelque grande que fût l’injustice sur laquelle reposait l’édifice, plutôt encore politique que religieux, de l’église officielle d’Irlande, on pouvait craindre de se heurter à des traditions et à des préjugés trop forts pour être surmontés. M. Gladstone, obligé de confesser de bonne grâce que les opinions de sa jeunesse se sont plus d’une fois profondément modifiées, peut répondre à ses adversaires, qui lui reprochent d’avoir parlé en 1865 de l’abolition de l’église d’Irlande comme d’un événement peu probable et fort éloigné, qu’alors en effet cette mesure semblait entou-