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II.

Ainsi que nous l’avons déjà dit, l’église établie d’Irlande compte 12 évêques, 622 vicaires et 1,510 pasteurs de paroisses, et le revenu net s’élève à 11,191,750 francs. Le nombre de ses adhérens, en comptant parmi eux tous ceux qui au dernier recensement n’ont pas pu dire à quelle religion ils appartenaient, s’élève à 693,357. Loin de lui contester le privilège, comme église d’état, d’imposer sa marque à toutes les brebis sans pasteur, et de réduire, comme le fait M. Bright, son troupeau au chiffre de 5 ou 600,000 âmes, nous lui laisserons les 700,000 âmes qu’elle réclame. À ce compte, elle possède un clergyman pour 340 personnes et coûte 16 francs par tête. Si la population catholique de la France, qui est cinquante fois plus nombreuse que les anglicans d’Irlande, était aussi bien pourvue qu’eux au point de vue ecclésiastique, elle posséderait 100 archevêques, 500 évêques, 75,500 curés, un budget de 576 millions par an pour son culte, et pour plus de 3 milliards d’églises et de presbytères. Si ces 700,000 anglicans étaient les seuls habitans de l’Irlande, on pourrait considérer cette coûteuse fantaisie avec un mélange d’étonnement et de respectueuse admiration : mais ils ne comptent que pour 12 pour 100 dans la population totale de l’île, qui tout entière en supporte les charges. Les 88 pour 100 restant se partagent en 9 pour 100 presbytériens, auxquels l’état accorde un certain subside, 1 pour 100 appartenant à des sectes insignifiantes et 78 pour 100 catholiques. L’inégalité paraît encore bien plus flagrante lorsqu’on songe que ces 12 pour 100, dont le clergé est si largement entretenu aux frais communs, sont la partie la plus riche de la population, les descendans des anciens conquérans de l’île.

Les ressources de l’église établie se composent des revenus de ses terres, d’un certain nombre de rentes et du produit de la dîme. Parmi les biens qu’elle reçut lorsqu’elle hérita des richesses et privilèges de l’église catholique, les uns sont attachés aux diverses paroisses sous le vieux nom français de « glèbe, » et les revenus affectés au salaire des ministres ; les autres appartiennent aux évêchés, mais un usage immémorial en a, pour ainsi dire, partagé la propriété : les baux, toujours renouvelés aux mêmes taux, ont fini par se réduire à une sorte de rente perpétuelle sur ces terres, et les fermiers sont devenus les véritables possesseurs du fonds. C’est exactement la transformation que ceux-ci voudraient faire subir à tous les grands domaines, et cet exemple prouve combien les bases mêmes de la propriété sont encore instables en Irlande. Jusqu’en